L’Auberge du Moulin Hideux à Noirefontaine par Julien Lahire.
Un Moulin Hideux ? Je le trouve bien charmant et fort à mon goût. Ce nom, très amusant, est historique et provient d’une déformation au fil des âges : « Il existait deux moulins sur la rivière qui cerne le jardin. Le site appelé « l’y deux molins » en patois local, devint peu à peu le « Moulin Hideux » ».
On ne peut dissocier l’auberge du Moulin Hideux de sa localisation. Perdu au fin fond du monde, c’est le pays du calme absolu.
Le calme de l’auberge du Moulin Hideux
Je m’étais promis, ce week-end, de ne pas me connecter sur internet afin de profiter au maximum des atouts de la vraie vie. Bien sûr, la tentation de jeter un coup d’oeil sur Facebook ou d’envoyer un message à un ami est toujours forte. Mais, au Moulin Hideux, cette tentation est réduite à quasiment rien. L’hôtel est en effet dépourvu de réseau 3G et même de toute couverture réseau. Impossible donc, mis à part dans le salon, de consulter ses mails, d’envoyer des SMS ou même de simplement téléphoner. Le calme absolu je vous dis !
D’ailleurs, sauf erreur de ma part (et/ou utilisation d’un profil bien masqué), le chef Julien Lahire est un des rares chefs étoilés à ne pas être présent sur Facebook. Sans doute passe-t-il, peut-être contraint et forcé par les lieux, plus de temps dans son auberge que sur son téléphone. Si c’est le cas, je ne peux que l’en féliciter.
Les chambres de l’auberge du Moulin Hideux
Quand on tient un restaurant au bout du monde, il faut pouvoir loger ses clients. Sans cela, aucune chance d’accueillir les amateurs gastronomiques des quatre coins de la Belgique. Le Moulin Hideux est un Relais & Châteaux. Quand on a dit cela, tout est dit. L’hôtel n’est que luxe et volupté avec le cachet chic de l’ancien.
Il y a en tout et pour tout 12 chambres, décorées différemment. Leur prix, en week-end, commence à partir de 205 euros la nuit (des formules permettent un prix plus bas en semaine). Ma chambre, la numéro 11, était tout bonnement magnifique.
A noter : il faut réserver plusieurs mois à l’avance pour avoir plusieurs chambres. Le succès étant au rendez-vous, ce qui me réjouis pour eux, j’ai patienté deux mois pour avoir deux chambres un samedi soir.
Le Spa de l’auberge du Moulin Hideux
« Spa », je parie que ceux qui me lisent de temps en temps doivent rigoler devant ce mot. S’il y a bien quelqu’un qui n’aime pas l’eau, c’est Passion Gastronomie. Sauf….sauf….quand c’est l’eau d’une jolie piscine.
Il ne manque, pour un bonheur absolu, qu’une petite coupette de champagne. Le reste, le Moulin Hideux y a songé : hammam, sauna….et même, en option, des longs massages relaxants que je recommande vivement pour l’avoir essayé (une heure au prix de 100 euros).
Au Moulin Hideux, l’apéritif commence au salon
Le summum du raffinement pour l’apéritif, c’est de pouvoir le savourer en dehors de la table. Car ce plaisir est rare, très rare. Au Moulin Hideux, les choses n’ont pas été faites à moitié. Le salon, ce n’est pas un petit coin perdu mais c’est vraiment une série de petits coins cosy pensés et dédiés aux plaisirs de l’apéritif et des digestifs.
Il y a tout d’abord un petit coin « bar » très stylé British.
Dans une autre pièce, il y a un petit coin « verdoyant ».
Mais le coin que je préfère, c’est celui près du feu. Un petit coin parfait pour un digestif à la lueur des flammes.
Car, une fois sorti de table, des digestifs de qualité sont proposés.
Dans un tel contexte, difficile de résister devant un petit armagnac hors d’âges (15 ans) ou encore, pour les fans du genre, devant un Baileys.
Julien Lahire, chef du Moulin Hideux
Je me souviens de la première fois que j’ai vu le chef Julien Lahire. C’était à la télévision dans l’émission « Duels en cuisine » de la RTBF. Je dois avouer que le montage ne le mettait pas en valeur. Il apparaissait comme quelqu’un de sévère et un peu hautain. Je pense que la production cherchait à lui faire endosser le rôle du méchant, ce qu’elle a réussi à mes yeux du moins.
Mais, dans son Moulin Hideux, la réalité est à l’opposé. J’ai en effet croisé un Julien Lahire sympathique, causant et heureux de recevoir ses clients. Un chef qui passe en fin de service pour dire bonjour à toutes les tables, ce qui est toujours agréable.
Le Moulin Hideux et le guide Michelin
Le Moulin Hideux et Michelin, c’est une histoire qui remonte loin….très loin. Il y a en effet 61 ans que Michelin a décerné une étoile au Moulin Hideux. Depuis, quatre générations se sont succédées et elles ont confirmé ce précieux sésame. Michelin l’a d’ailleurs rappelé lors de la présentation du guide 2017 en faisant monter l’équipe sur le podium.
La carte des vins au Moulin Hideux
La carte des vins du Moulin Hideux est une carte courte (une dizaine de pages) mais très pointue. Cent pour cent française (on aime ou pas, moi j’adore), elle est très équilibrée aussi bien en terme de prix qu’en terme de régions couvertes.
Clientèle oblige, elle fait bien évidemment la part belle aux Bordeaux et Bourgognes avec quelques millésimes plus anciens. Mais il y a aussi de belles choses dans quelques autres régions.
Les prix des vins
Point de vue prix, on n’est pas dans le bon marché et le coefficient multiplicateur est assez haut. En général, le classique coefficient X3 est utilisé en Belgique (hélas pour les amateurs de vins). A l’auberge du Moulin Hideux, un plus gros coefficient semble appliqué aussi bien sur les petites bouteilles (X4, voir X5) que sur les plus grandes bouteilles. Par exemple, un Sancerre de Vacheron qui se vend dans les 13 euros est proposé à 70 euros à la carte. Un Silex de Dagueneau qui se négocie dans les 67 euros sera proposé à 250 euros à la carte.
Mais, en cherchant bien, on peut trouver l’une ou l’autre bonne pioche (ou erreur ?). Par exemple, la Côte-Rôtie Bassenon de Yves Cuilleron est proposée à 90 euros à la carte alors que cette bouteille coûte un peu moins de 40 euros. C’est d’ailleurs pour ce vin rouge que j’ai craqué.
J’ai écrit « un plus gros coefficient semble appliqué » au Moulin Hideux. Car, en fait, on ne sait jamais si le restaurant cherche à faire une grosse marge ou si simplement il achète très cher à son fournisseur. Je me souviens encore d’un restaurateur qui ne comprenait pas pourquoi on écrivait sur les réseaux sociaux que ses vins étaient hors de prix alors qu’il faisait X3 sur son prix d’achat. Après analyse, le problème venait de son revendeur qui s’était approvisionné chez l’importateur belge mais prenait 50% de marge.
Une bouteille intéressante dans la carte du Moulin Hideux
Pour rendre honneur à la carte des vins du Moulin Hideux, il y a une toute belle bouteille dans les plus petits prix. Discrètement placée tout en haut de la carte, on trouve en effet le bourgogne générique de chez François Carillon (en 2014).
J’aime à penser qu’un grand vigneron, comme François Carillon, montrera qu’il est vraiment un tout grand s’il réussit aussi ses vins « entrées de gamme ». François Carillon fait des très grands Puligny-Montrachet, c’est bien connu. Après avoir goûté cette bouteille, on peut conclure que son générique 2014 est remarquable lui-aussi. Il est, bien évidemment, très typé chardonnay de bourgogne avec de la matière, de la densité et de fins arômes de boisé et de vanillé. Mais, à la différence de beaucoup de génériques, il offre un bel équilibre entre l’attaque, le milieu de bouche et la finale. Au lieu du fréquent coup de mou en milieu de bouche et au lieu d’une finale souvent courte, c’est plutôt un crescendo intéressant avec une finale tendue.
Le sommelier du Moulin Hideux
Le sommelier du Moulin Hideux fait du bon travail. On peut discuter avec lui. Il cerne assez vite le goût des clients et leur budget. Il peut donc ensuite orienter vers l’une ou l’autre bouteille. En confiance, je lui ai demandé de départager mes hésitations parmi les chablis 1er cru. Son conseil, partir sur le 1er Cru Vau de Vay 2014, était assez judicieux. Car la typicité de chablis se retrouvait dans le verre, l’extraction était bien gérée et le bois bien intégré. En plus, le vin présentait une belle fraîcheur que j’apprécie tant dans les vins blancs et aucuns des arômes déviants que certains vins bios/natures peuvent présenter.
A noter toutefois pour le service du vin, le sommelier pourrait l’améliorer en faisant plus attention à la température de service. Au départ servis à température optimale, les vins blancs ont vite tendance à descendre trop bas en température à cause du seau dans lequel les bouteilles sont plongées.
Le plateau de fromages belges
Le Moulin Hideux est un restaurant qui travaille encore un vrai plateau de fromages. Entièrement belge, ce dernier regorge de découvertes affinées par Van Tricht, le célèbre fromager : un bleu affiné dans L’ardoisière à Bertrix, un acremont au lait de brebis et, pour couronner le tout, un Old Groendal bien salé qui est présenté comme le « parmesan belge ».
Que boire avec du fromage ?
Pour le choix des vins, le moment le plus difficile est celui des fromages. On se demande souvent quel vin servir avec les fromages ? Blanc ou rouge ? Historiquement c’était du rouge mais la tendance s’est inversée. Les tanins ne se marient en effet pas bien du tout avec le lacté des fromages et, finalement, peu de rouges s’accordent bien.
Selon moi, il n’y a qu’une seule réponse possible à cette question : à chaque fromage devrait être associé un vin. Par exemple: chèvre frais – sancerre, comté – vin jaune, bleu – banyuls,…..Evidemment, au restaurant, c’est impossible. Encore que je me souviens que le sommelier du château de Mylord,Bart Lamon, tente de s’en approcher en servant plusieurs vins en parallèle sur ses fromages.
Du coup, ma stratégie est de prendre un blanc sec et vif, un peu passe-partout mais avec une bonne aromatique et de la matière. Il faut en effet tenir (ou du moins tenter de le faire) vis-à-vis de la force aromatique des fromages. Je n’aime pas non plus prendre un grand vin : la délicatesse des grands se fait en effet vite manger toute crue par le fromage. J’ai donc opté pour un Jurançon Cauhapé à 40 euros. Franchement, c’est un bon choix. Le sommelier semblait d’ailleurs content qu’on s’intéresse à cette cuvée car il m’a demandé avec un grand sourire si je connaissais. Evidemment que oui 🙂
La carte du restaurant du Moulin Hideux
Le premier constat à propos de la carte du restaurant du Moulin Hideux, c’est que le chef n’a pas choisi la facilité.
De plus en plus, on assiste à cette tendance qu’ont certains chefs à proposer (je devrais même écrire imposer) un menu unique. Fatalement c’est facile pour les mises en place et c’est facile pour le service. C’est moins de travail et moins de risques. En plus, c’est payant car Michelin commence à décerner des étoiles pour ce genre d’adresse.
Mais au Moulin Hideux, Julien Lahire propose une vraie carte. Non pas des plats qu’il reprend ensuite dans ses menus : non non vraiment des plats spécifiques. Le Moulin Hideux se paie même le luxe de proposer des plats découpés en salle comme ici, sous la supervision de Madame Lahire venue exceptionnellement ce soir là. Moi qui aime tant ce spectacle bien trop rare, je suis conquis et je n’hésiterai pas, lors d’une prochaine visite, à piocher dans ces choix là.
Le service en salle du Moulin Hideux
Pour le service en salle, tout comme pour le service en général d’ailleurs, le niveau est très bon. C’est un service de qualité, attentionné et attentif. Bref, le niveau de service que l’on attend d’un Relais & Châteaux.
Le menu du Moulin Hideux
C’est le plein moment de la chasse. Difficile donc de faire l’impasse sur le menu du Moulin Hideux lui faisant la part belle.
La cuisine de Julien Lahire est très traditionnelle. Et je l’écris comme un compliment. Car le classique, le beau classique, est intemporel.
Les entrées du menu chasse
Pour commencer, le menu proposait une belle terrine maison. Bien réalisée avec de beaux produits (colvert, chevreuil, foie gras), elle est assez raffinée et délicate. C’est une belle entrée en matière comme on l’attendait.
Le chef a ensuite poursuivi avec de belles Saint-Jacques (beau calibre, belle cuisson) et une sauce périgourdine à base de truffes et de foie gras. Un beau terre-mer qui procure du plaisir et une toute belle sauce qu’on ramasse avec le pain.
Les plats du menu chasse
Le plat suivant, je ne l’ai pas compris. Je sais que le faisan, un gibier dont je raffole, est compliqué à préparer. C’est en effet vite sec. Mais, sur cette version, le plus gros soucis était la température. Bien que servi sur une assiette chaude, le plat était tiède. La sauce n’était ni chaude ni spécialement marquante gustativement parlant.
Sur le chevreuil, le chef revient en force avec un plat très réussi : un beau produit, une belle cuisson, une belle sauce et de tous beaux assaisonnements.
Les desserts du menu chasse
Pour les desserts, le Moulin Hideux laissait le choix. Un des deux choix était un dessert autour de la mangue avec un beau travail de textures. Mais l’ensemble sortirait grandit si l’acidité était plus marquée.
L’autre choix était un très bon dessert autour du chocolat : beaucoup de textures ici aussi, un chocolat de qualité et surtout une sucrosité parfaitement maîtrisée. Le dessert gourmand dont on se régale tant en fin de repas.
Conclusions
Pour aller au Moulin Hideux, le dilemme suivant se présente : est-ce qu’il vaut mieux y aller en été pour profiter du cadre verdoyant et de la belle terrasse ? Ou bien est-ce qu’il vaut mieux y aller juste avant l’hiver pour goûter le menu chasse ? Je pense qu’il faut essayer les deux versions. Ne dit-on pas que choisir, c’est renoncer ?
Un week-end au Moulin Hideux est une expérience dépaysante. Il faut donc voir cette adresse comme une expérience globale et une successions de moments charmants et ressourçants. Ce faisant, je dois bien avouer que Julien Lahire a suscité chez moi une envie : celle de revenir….et en été cette fois afin de varier les plaisirs !
Lien vers le site web du Moulin Hideux
Localisation du restaurant Le Moulin Hideux
Menu du du Moulin Hideux
Mises en bouches
Mises en bouche : mayonnaise de corail et gougères
Mousse de colvert sauvage, condiment de graines torréfiées
Ballotine de volaille aux petits légumes et crémeux de cèpes
Terrine de gibiers (colvert, chevreuil, foie gras), chips de pommes de terre, tomates confites, lentilles d’ortho
Saint-Jacques poêlées, mille feuille de pomme de terre, sauce périgourdine
Suprême de faisan poché à la Rochefort 8
Noisettes de chevreuil, croûte de girolles et sauce poivrade
Les fromages
Crème à la mangue, gelée de mangues, sorbet orange
Déclinaison autour du chocolat
Photos
Van der Eecken
Pour y avoir passé de nombreuses soirées, je confirme que l’endroit est exceptionnel à plus d’un titre. A faire et voir absolument.
PassionGastronomie
En effet. Merci pour votre retour d’expérience.
Fabienne Wafellman
Hélas ce merveilleux restaurant s’est converti en Gîtes de luxe. Donc plus d’intérêt sur cette page
PassionGastronomie
Bonjour. Merci pour votre commentaire. De ce que j’avais lu, c’était une décision temporaire. Est-ce que vous avez d’autres informations indiquant que ce sera définitif ?