Restaurant gastronomique L’Atelier par Jean-Luc Rabanel à Arles – France : 2 étoiles Michelin – 5 Toques Gault & Millau
En vacances, ma passion gastronomique ne disparaît pas, que du contraire. A peine arrivé (quand ce n’est pas tout simplement au moment de choisir la destination), je recherche la belle table de la région. Cette fois j’avais repéré deux candidats, tous deux bi-étoilés : l’Oustau de Baumanière et l’Atelier de Jean-Luc Rabanel.
L’Oustau de Baumanière avait ma préférence car il propose une des plus belles cartes des vins de France (selon les sources, on parle de 35 000 ou 60 000 bouteilles). Par chance, elle était d’ailleurs disponible sur leur site web (j’écris par chance car au moment de rédiger cet article, elle a disparu). De fait, je n’en ai jamais vu une aussi belle : environ 69 pages de la France entière avec tous les plus beaux noms qu’on puisse trouver et des millésimes très anciens.
Le prix des vins
Mais, l’émerveillement passé à regarder la colonne de gauche avec les noms des cuvées et les millésimes (certains remontaient à 1870 pour des bordeaux !) est vite retombé. La triste réalité de la colonne des prix est revenue comme un boomerang. Des pages entières où ne se trouvent que des vins à plusieurs centaines d’euros. Et, bien sûr, quelques stars comme Jayer, Romanée-Conti, Petrus,… qui culminent à plus de 10 000 euros la bouteille. Et puis, plus tristement, des belles cuvées que j’aime et que j’ai en cave mais proposées à des X5 ou X6, soit un coéfficient qui a le don de m’énerver. Voilà donc sans doute un des secrets pour avoir une des plus belles cartes des vins de France comme celle de l’Oustau de Baumanière. Rendons toutefois à César ce qui appartient à César : il y a tout de même moyen de trouver des vins « locaux » dans les 50 euros à l’Oustau.
Un restaurateur qui achète une bouteille et la met de suite en vente à X5 ou plus, c’est tout simplement scandaleux. Il n’y a en effet pas le coût du vieillissement (via notamment une liquidité immobilisée à long-terme). Il n’y a pas non plus l’excuse des bouteilles bouchonnées puisque tous les revendeurs de vin sérieux les reprennent.
En tant que passionné de vin, je déteste devoir subventionner les menus de ceux qui ne boivent pas de vins. Je ne vois pas pourquoi le restaurant devrait travailler à perte ou à l’équilibre sur certains clients et se rattraper ensuite sur les bouteilles de vins des autres.
L’Atelier de Jean-Luc Rabanel
J’ai donc choisi l’atelier de Jean-Luc Rabanel, une adresse où j’espérais une belle carte des vins à prix plus raisonnables. Impossible toutefois de le vérifier au préalable car cette dernière n’est pas disponible sur leur site web.
Lors de la réservation, l’heure d’arrivée se doit d’être précise : « Nous vous rappelons que nous débutons le service à 12 heures, et notre dernière heure d’accueil est 13 heures maximum. ».
Il y a toutefois lieu de faire très attention à deux choses.
Tout d’abord le restaurant de Jean-Luc Rabanel est situé en plein milieu d’un grand piétonnier. Il est donc impossible d’accès en voiture.
Ensuite les places de parking proches sont rarissimes. Aucun voiturier n’est présent pour vous aider et même les parkings publics sont complets.
Pour la première fois de ma vie, j’ai du parquer ma voiture à 900m et une petite marche au pas de course m’a permis de franchir la porte à 13h pile. J’étais le dernier à entrer chez Jean-Luc Rabanel (ci-dessous, la porte d’entrée).
La Greenstronomie
Le début du repas s’effectue dans une salle dédicacée aux mises en bouche et à l’apéritif. Une belle pièce, relaxante et luxuriante. A l’image du concept de greenstronomie, un concept inventé par Jean-Luc Rabanel il y a 15 ans et qu’il définit comme suit : « Depuis plus de 15 ans, ce maître cuisinier de France met un point d’honneur à sublimer le végétal. Cette gastronomie imaginative, de haute volée et de caractère, ayant pour base le « vert », il la nomme la Greenstronomie. Légumes, racines, plantes, feuilles, fleurs et herbes sauvages deviennent ainsi les acteurs principaux de ses créations. »
Les menus
Trois menus sont proposés autour de « touches de goûts ». Une touche de goûts n’est pas vraiment la même chose qu’un service. Le transcodage précis n’a pas été expliqué. Sur base des explications du maître d’hôtel, les trois menus correspondent respectivement à 7, 9 et 11 services. Le menu de ce repas a été le menu émotion 5 touches de goûts ou 9 services à 115 euros.
Il est à noter toutefois que Jean-Luc Rabanel considère les mises en bouche comme des services. Si on enlève donc les trois mises en bouches, le menu est donc à comparer à un menu cinq services avec un pré-dessert.
Les assiettes
Les assiettes de Jean-Luc Rabanel sont tout simplement magnifiques. Quelle minutie dans le dressage. Le visuel est resplendissant et les légumes abondants. Avec le concept de greenstronomie, j’avais un peu peur de n’avoir que des légumes à manger. Mais non, ils sont accompagnés de beaux produits : entre autre du bar, des langoustine et du taureau AOP.
Le maître d’hôtel de Jean-Luc Rabanel nous expliquait que les légumes sont le centre de l’assiette. Le taureau n’est là, toujours selon lui, que pour les sublimer. Mais les gens aimant le taureau, ils ont choisi d’en mettre une belle portion. Et de fait, qu’il s’agisse des portions sur ce plat de taureau ou des autres assiettes (en ce compris les mises en bouche), Jean-Luc Rabanel se montre généreux.
Et d’ailleurs, si vous allez manger à midi, je ne peux que vous conseiller d’éviter le tout grand menu. Il faut savoir que la cadence des envois des assiettes se comparerait, si j’ose l’analogie avec l’athléitisme, à un sprint. Entré à 13h, la première assiette fût envoyée à 13h15. La dixième et dernière assiette, à savoir les mignardises a elle été envoyée à 14h45, soit 10 assiettes en une heure et demie.
A 15h05, l’addition était payée et je sortais du restaurant.
Le style du chef
Au point de vue des goûts, ils sont puissants, condensés et prononcés. Les sauces et les assaisonnements sont donc à l’image de Jean-Luc Rabanel : truculent et haut en couleur. Et ces assaisonnements, qui font la part belle aux épices (gingembre et citronnelle entre autre), sont constants d’une assiette à l’autre. Ca claque, ça pète et ça brûle même un peu la bouche en finale. C’est le style de Jean-Luc Rabanel, sa cuisine et son parti pris. D’un point de vue goût personnel, je préfère toutefois la finesse et l’harmonie. Cela ne m’a pas quand même pas empêché de me régaler sur deux grands plats : les langoustines et le fameux plat signature avec le taureau.
Jean-Luc Rabanel aime les légumes. Il ne fait pas que le dire dans son concept « Greenstronomie », il l’applique aussi. Les légumes prolifèrent dans les assiettes. On en retrouve des quantités et ils sont délicieux. C’est parfois un peu répétitif d’une assiette à l’autre (pousse de petits pois sur beaucoup d’assiettes, betterave plusieurs fois,…). On peut aussi s’étonner de ne jamais retrouver de tomates, courgettes, aubergines (des légumes de la région qui sont tellement délicieux cultivés sous le soleil de Provence) et de les voir remplacés par des légumes racines. Il n’empêche : on se régale !
Sur mon assiette de taureau, par comparaison entre les deux assiettes (voir deux photos ci-dessous), l’oeuf est arrivé percé. Le maître d’hôtel, qui s’est en aperçu, a expliqué qu’il s’agit d’une cuisson à cru à base de vinaigre et de soja très délicate. Une fine pélicule très fragile et sensible recouvre l’oeuf.
Les accords mets-vins
Au point de vue des vins, le sommelier a un vrai challenge pour ses accords mets-vins. Avec tant de puissance dans les goûts, il faut du costaud en vin pour tenir la comparaison. Ou il faut trancher et partir dans l’opposition. Le sommelier de Jean-Luc Rabanel l’a bien compris puisqu’il propose deux options. Soit un forfait qui fait la part belle aux vins locaux riches et puissants. Soit des forfaits autour du champagne.
A mon humble avis, les bulles s’imposent surtout en les choisissant sans sucre résiduel. Par chance, j’avais opté pour une bouteille de Triple Zéro de Jacky Blot à l’apéritif (70 euros à la carte et vendue environ 11 euros sur internet comme ici). Les plats s’enchainant tellement vite, elle a duré tout le repas et s’est révélée une magnifique compagne. Sa vivacité, sa fraîcheur et son acidité rafraichissaient parfaitement les papilles entre deux bouchées. Je comprends pourquoi le sommelier a eu l’intelligente idée de faire un forfait champagnes (5 coupes pour 85 euros).
La carte des vins
Pour la carte des vins, elle n’est pas très étoffée pour un restaurant de ce niveau. J’estime qu’il doit y avoir 300 références tout au plus. Je m’attendais à plus de propositions. En ce qui concerne la philosophie, le restaurant Jean-Luc Rabanel préfère ne pas travailler le meilleur de l’AOC. Il lui préfère en effet plutôt des vignerons moins connus.
Par exemple, on ne trouvera pas le célèbre Grange des pères mais du Daumas Gassac. Chacun se fera une idée sur ce choix. Mon avis est qu’il n’y a aucune comparaison possible. Je recherche des Granges des pères blancs désespérément et je me régale de cette cuvée. J’ai arrêté d’acheter les Daumas Gassac depuis deux ans suite à la chute de qualité.Selon la même logique : pas de Chave, pas de Rayas, pas de Vieux Télégraphe.
Lorsque le restaurant Jean-Luc Rabanel travaille un grand domaine, il prend alors une cuvée moins connue. Par exemple chez Dagueneau, il s’agira du Buisson Renard. Il s’agit peut-être bien ici de l’exception qui confirme la règle car cette cuvée se goûte très bien et plus vite que le silex.
Point de vue prix, ce fût une douche froide. J’avais choisi d’éviter l’Oustau de Baumanière à cause de son X5 – X6. Mais je me suis retrouvé avec un X6, voir X7. Outre Le triple zéro de Jacky Blot, on notera le Flores de Clément Pinard vendu 75 euros et 11,2 euros au domaine. Sur les grandes bouteilles, où on ne fait en général que X2, ce fût la même déception. La superbe cuvée Buisson Renard qui se vend une cinquantaine d’euros était proposée à 239 euros.
Le service en salle
Pour le service en salle chez Jean-Luc Rabanel, il se montre gentil et très poli. Il reste certes une marge de progression mais rien de grave ni de choquant. C’est plutôt une série de petites imprécisions successives qui pourraient facilement être évitées (surtout avec 4 personnes en salle pour 20 couverts) pour hisser le service au niveau des assiettes.
- La première mise en bouche est servie avant l’apéritif. C’était sans doute parce que j’avais demandé la carte des vins pour l’apéritif et que la cuisine avait déjà tout préparé selon un timing serré. Il fallait donc envoyer, peu importe si le client était servi ou non.
- L’oeuf était cassé sur une des assiettes de taureau. Ici il faut laisser le bénéfice du doute au service. Même si Jean-Luc Rabanel était au passe, l’assiette est peut-être sortie comme cela de la cuisine.
- Le sommelier n’est pas très attentif quand il sert le fond de la bouteille. Un bon nombre de cristaux se retrouvent donc dans le verre. Rien de grave bien sûr: c’est comestible.
- Aucunes explications sur les mignardises. A d’autres tables, il me semblait pourtant qu’il y avait un jeu où il fallait reconnaître les ingrédients assez originaux.
- Des verres d’eau qui restent vides assez longtemps au point que je finis par me resservir.
Le chef
A la fin du repas, le chef Jean-Luc Rabanel passe aux tables et à toutes les tables. Il se montre de bonne humeur et charmant. Deux tables autour de moi ont demandé à faire une photo avec lui, ce qu’il a fait avec grande joie. A une autre table, qui lui posait des questions sur sa cuisine, il s’est même assis pour répondre avec détails. C’est un chef qui se montre accessible, qui aime faire plaisir à ses clients et qui prend le temps de discuter avec ceux qui le souhaitent.
Jean-Luc Rabanel est passé à notre table et, selon la formule de politesse consacrée, nous a demandé si tout s’était bien passé. J’aurais pu discuter avec lui de tout ce dont je viens d’écrire. Mais je n’avais pas l’envie de terminer le repas sur des sujets qui auraient pu partir en polémique en un quart de seconde. Je n’ai donc rien dit.
L’addition finale était de 305 euros. Il est à noter toutefois que je n’avais pas pris d’apéritif ni de café et une seule bouteille de vin a été commandée. Compte-tenu du niveau du restaurant et de ce qui m’a été servi (quantité et qualité), c’est un bon rapport qualité-prix pour cette expérience.
Amateur de Greenstonomie et de la cuisine de Jean-Luc Rabanel, un dernier conseil : visez peut-être le repas du soir et demandez avant de commander en combien de temps les plats sont servis. Car même pour les plus entrainés, comme votre fidèle narrateur, 10 plats en 1h30, cela reste de trop.
Menu
Mise en bouche : Riz noir soufflé, pétale d’ail noir, crème d’amandes et ail
Mise en bouche : salade de jeune haricot, maigre mariné, vinaigrette à l’orange
Mise en bouche : carpaccio de betteraves, crème glacée au raifort, pourtague, vinaigrette à la betterave
Tartelette de petits pois, langoustine, crumble d’olives noires, émulsion au parmesan
Bar sauvage juste saisi, émulsion de gingembre et citronnelle, haricot coco
Coeur de filet Taureau AOP Camargue fumé aux herbes sauvages des Alpilles, légumes racines du moment et Oeuf bio cuit sans chaleur
Petits pois, gelée basilic, sorbet à la menthe, émulsion citron
Une autre façon de voir la tarte au citron
Anarchie autour du riz : riz noir soufflé, sorbet estragon, fruits confit, sorbet à l’orgeat
Mignardises
LOCALISATION
France – Arles
PHOTOS
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