Restaurant les Caves d’Alex à Ixelles.
Cela fait déjà 4-5 ans qu’Alex Cardoso et Hugues De Cuyper ont quitté le quartier européen pour s’installer à Ixelles, dans la cave de la maison Mouchart (une maison de négoce de vin fondée en 1897). C’est donc en toute logique que l’extérieur du restaurant Les Caves d’Alex rappelle cet héritage avec, notamment, un vieux pressoir et quelques tonneaux.
Quelque mètres plus bas, en bas de l’escalier, l’héritage est encore mis plus en avant avec cette porte d’entrée on ne peut plus originale:
Le monde du vin continue par ailleurs à marquer sa présence à l’intérieur. Les tables sont disposées tout en longueur le long des vieux foudres qui rappellent l’activité de mise en bouteille des négociants de vin en début du siècle précédent.
Pour un oenophile, on est déjà conquis….d’autant que les plus observateurs l’auront déjà remarqué. N’est-ce pas l’ombre d’un cageot de Selosse qu’on aperçoit en bas de la photo ci-dessus ? Et ne serait-ce pas une belle verticale de Grange des Pères qui s’aligne sur une étagère dans la photo ci-dessous ?
La forme, le fond et un grand sommelier
La forme, c’est bien. On voit et on sent que le vin n’est pas qu’un accessoire au restaurant Les Caves d’Alex. C’est peut-être d’ailleurs cela qui a séduit le tout nouveau sommelier : Stéphane Dardenne. Un tout nouveau sommelier, certes, mais pas n’importe lequel. La crème de la crème : Sommelier de l’année au guide Gault & Millau 2020 et Meilleur Sommelier de Belgique 2023 (dans le concours, on ne peut plus sérieux, organisé par organisé par la Gilde des Sommeliers).
J’aime le vin. Je sais maintenant ce que j’aime et ce que je n’aime plus. J’arrive souvent à trouver quelques pépites dans les cartes des vins (entendez, par exemple, une bouteille dont la côte a explosé mais dont l’hyperinflation ne se reflète pas encore sur le prix de vente ou bien entendez une bouteille devenue plus difficile à trouver car le vigneron est devenu fort recherché).
Au restaurant Les Caves d’Alex, j’aurais pu m’amuser et j’aurais certainement pu trouver mon bonheur. La carte est en effet une vraie carte des vins : intelligente, construite, solide et avec des prix modérés. Elle est d’ailleurs, chose rare que je salue, disponible en ligne sur le site web du restauant https://www.lescavesdalex.be/#la-carte. Et, avec l’arrivée de Stéphane Dardenne, on ne doutera pas une seule seconde que cette carte va encore s’améliorer !
Il faut profiter d’un Meilleur Sommelier de Belgique
Oui mais voilà. Je serais un bel idiot si je ne profitais pas du Meilleur Sommelier de Belgique 2023 pour ouvrir mes horizons. Quel meilleur expert pourrais-je en effet espérer ? Alors, sans même ouvrir la magnifique carte des vins, j’ai directement donné carte blanche à Stéphane, lui indiquant mon budget car il demeure difficile de faire des miracles avec le budget restreint habituellement proposé en forfait vin. Et, pour voyager, il m’a fait voyager dans le monde du vin, au sens propre : Californie, Portugal et la France bien entendu !
Le vin est une question de sensibilité. On a chacun ses préférences et ses habitudes. Même si je pense que je rejoindrai toujours l’avis de Stéphane Dardenne quand il s’agit d’une grande bouteille (comme le Pétrus 1971 qu’on a eu la chance de croiser un jour), je n’ai pas les même attentes que lui et je ne vibrerai pas sur les mêmes arômes. Ce n’est clairement pas une question de qui a raison et qui a tort : c’est une question de ressenti et de perception, des notions on ne peut plus personnelles.
Mais ce que j’admire chez Stéphane Dardenne, c’est son approche. Il ne choisit pas un vin par hasard. Il y a une réelle réflexion. Et, que l’on vibre ou pas, on ne peut que s’incliner devant le travail, devant ce qui en ressort et, surtout, devant la façon dont il le présente aux clients.
Le plus bel accord du menu
Le plus bel accord proposé par Stéphane Dardenne fût le Saumur Champigny le P’tit Domaine Les Bonneveaux 2016.
J’ai longtemps écumé, dans beaucoup de restaurants, les bouteilles du Clos Rougeard (le vin le plus mythique du centre Loire). Ce fût même, pendant une période, un de mes vins préférés et, il y a dix ans de cela, on les trouvait souvent à une centaine d’euros aux cartes des vins (comptez maintenant entre 400 et 800 euros).
Le vigneron du P’tit Domaine, Richard Desouche, s’est occupé des vignes du Clos Rougeard. On ne doute donc pas une seconde de ses qualités techniques. Mais encore faut-il que le terroir suive. Servi à l’aveugle, il n’a pas été si facile de cerner le vin. Le nez développait de beaux arômes de café, ce qui me faisait partir sur un des cépages « cabernet ». En bouche, on ressentait un léger élevage mais c’était tellement bien fait et subtil que je ne me voyais pas sur Bordeaux. Enfin, il y avait une belle fraîcheur en bouche, ce qui m’éloignait encore plus de Bordeaux. Je suis finalement parti sur la Loire mais je n’étais pas sûr car les cabernet franc de cette région dévient souvent vers des arômes végétaux (comme le poivron). Ici, aucunes traces, ce qui témoigne de la belle maîtrise technique du vigneron. On était donc devant un tout beau vin, d’un grand équilibre.
Stéphane Dardenne, que j’ai déjà croisé dans plusieurs restaurants, se souvenait de ma passion pour le Clos Rougeard. Il connaissait l’histoire et la technique du vigneron Richard Desouche. Le plat principal était une entrecôte bordelaise. Etait-il possible de me proposer un plus bel accord ? Je ne pense pas ! Stéphane Dardenne m’a dès lors offert le plus bel accord personnalisé possible ! Merci !
Un tout beau vin blanc Portugais sélectionné par Stéphane Dardenne
J’ai aussi particulièrement apprécié un autre vin, vinifié par l’épouse de William Wouters (Filipa Pato) : Nossa Calcario Bical 2020. Tout d’abord, c’est toujours une joie de découvrir un nouveau cépage comme, ici, le Bical. Ensuite, c’est surtout un plaisir de croiser un tout beau vin, d’une rare complexité et richesse aromatique. Habitué à boire très souvent, trop souvent d’ailleurs, des vins Français, j’étais perdu. Je ressentais un petit côté « sudiste » mais il y avait une vraie fraîcheur en bouche, ce qui apportait le bel équilibre. Il y avait aussi beaucoup de gras qui donnait de l’ampleur au vin et une vraie richesse aromatique sur les fruits jaunes. En finale, on ressentait de jolis amers. J’étais donc parti, à l’aveugle, sur une très belle Roussanne – Marsanne du Rhône Nord….mais non : perdu. C’est aussi cela le vin : la plus grande humilité car on ne cesse de se tromper complètement. En tout cas, ce fût une belle découverte et un tout beau vin.
La cuisine au restaurant Les Caves d’Alex
Je parle vin et on pourrait presque croire que, aux Caves d’Alex, on y va pour les vins et le sommelier et que la cuisine est dès lors accessoire. Mais, chose relativement rare, ce serait se tromper. Car la cuisine du chef Alex Cardoso est particulièrement intéressante. Je la qualifierais de vraie cuisine non instagrammable (ce qui est un compliment) et de vraie cuisine qui n’a pas besoin de se cacher derrière des artifices. Quand on maîtrise son sujet à la perfection, comme Alex Cardoso, il n’y a pas besoin de maquillage ! Et on ne s’en étonnera pas quand on sait qu’Alex Cardoso a travaillé chez Bruneau, du temps de ses trois étoiles.
Une première entrée originale
En premier plat du menu, le carpaccio de bar, pied de porc et pourpier. On se réjouit déjà de ne pas avoir du maquereau ou de la sardine (des produits à « deux balles » revenus à la mode car ils permettent de dégager de belles marges bénéficiaires). Ce qui me surprend, d’emblée, c’est que l’assiette est chaude. Or, avec un carpaccio, je m’attendais à une assiette froide. Mais je comprends ensuite très vite : l’assiette est chaude car il y a du pied de porc et que ce dernier fond sur le carpaccio. On a donc un plat vraiment intelligent avec un bar mis en valeur par le gras du pied de porc et une touche un peu végétale pour équilibrer le tout. Une petite pointe d’acidité en plus et on aurait été parfait.
Les plus belles quenelles de brochet sauce Nantua
En seconde entrée, le plus beau plat du menu : les quenelles de brochet sauce Nantua. C’est un plat duquel je n’attendais rien. Des quenelles de brochet, c’est souvent très bon mais un peu plat en bouche. C’est en effet difficile de donner du relief. Mais Alex Cardoso a sorti ici un énorme plat grâce à une grande sauce. Une sauce parfaite, puissante et sapide, ce qui rappelle les grandes heures des meilleurs sauciers. Malgré mes deux passages chez Bocuse, je n’ai pas gouté ce plat signature chez lui. Je n’ai donc pas, en bouche, la référence ultime. Mais, ce que je peux dire, c’est que la version d’Alex Cardoso est à ce jour la plus belle version que j’aie jamais dégustée.
Et, ce qui ne gâche rien, les quenelles de brochet sont apportées à table dans une casserole de fonte, ce qui permet de garder un fond de sauce bien au chaud et ce qui permet, surtout, aux plus gourmands de ne pas laisser une goutte et de saucer le tout jusqu’à la dernière goutte. Ça change tellement de cette pénible tendance moderne des trois points de sauces, une tendance hyper frustrante car on commence à peine à goûter qu’il n’y en a déjà plus.
Les ris de veau
Le chef continue sur sa lancée avec le ris de veau, béarnaise de homard. Il démontre à nouveau toute sa maîtrise, notamment avec la béarnaise. C’est un plat parfaitement exécuté dont on se régale….et dont on se régale tellement qu’on ne fera au final qu’un seul reproche : on aurait voulu en avoir plus. C’est donc clairement un plat qu’il faut prendre à la carte afin d’avoir une portion de carte et non pas une portion de menu. A titre d’amélioration, je conseillerais d’incorporer un ou deux petits morceaux de homard dans la béarnaise.
L’entrecôte bordelaise
L’entrecôte bordelaise est à nouveau une parfaite illustration de la cuisine aux Caves d’Alex. Les assiettes, vierges, arrivent bien chaudes (on pourrait croire que ce n’est qu’un détail mais c’est un détail important qui apporte beaucoup sur la perception gustative finale). Arrive ensuite l’entrecôte parfaitement cuite (saignante) dans son plat de fonte (qui la garde au chaud, lui permettant de reposer sans refroidir). La sauce est à nouveau de haut vol : dense et avec un goût délicat de moelle. Et, cerise sur le gâteau, on se régale des échalotes confites.
Ce n’est qu’une entrecôte bordelaise diront les rageux. Je répondrai simplement ceci : « Non, c’est L’entrecôte bordelaise dans sa splendeur ».
Pour terminer
Pour terminer le repas, un Paris Brest de facture correcte et quelques mignardises.
Conclusions
Le restaurant Les Caves d’Alex est le repère des gastronomes aimant le beau classique non démodé. Le chef Alex Cardoso y propose une cuisine d’une grande maîtrise technique et d’une parfaite exécution. Le plaisir gustatif est au rendez-vous et on vibre dès qu’un peu de sauce arrive dans le palais.
Ajouté à cela l’arrivée d’un des meilleurs sommeliers de Belgique, Stéphane Dardenne, et le plaisir est à son comble.
Pour l’ensemble de l’expérience, j’ajoute d’ailleurs les Cave d’Alex dans top 10 de Belgique. Et je n’écris pas cela pour leur faire plaisir, comme je l’écrirais sur quasiment toutes les adresses que je visite. Mon top 10 est en effet visible en permanence sur le site : https://www.passiongastronomie.be/coupsdecoeur/
Lien vers le site web du restaurant
Le menu du moment
Première mise en bouche : Minis croquettes de crevettes grises
Seconde mise en bouche : croustillant farci aux rillettes de saumon
Les pains
Les deux sortes de beurre
Carpaccio de bar, pied de porc et pourpier
Quenelle de brochet sauce Nantua
Ris de veau, béarnaise de homard
Entrecôte bordelaise
Paris Brest
Mignardises
Localisation du restaurant Les Caves d’Alex
Quelques photos
Saumur Champigny le P'tit Domaine Les Bonneveaux 2016 @Restaurant Les Caves d'Alex
Carpaccio de bar, pied de porc et pourpier @Restaurant Les Caves d'Alex
D’autres repas au Caves d’Alex
24/02/2020: https://www.passiongastronomie.be/2020/02/restaurant-lescavesdalex-ixelles/
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