Restaurant Lucana à Wanze par Gianni Caruso et Isabelle.
Le Lucana est un restaurant bien connu en province de Liège. Il s’est en effet rapidement distingué, entrant directement à 14/20 dans le guide Gault & Millau 2015, en décrochant le titre de chef italien de l’année au guide 2016 et puis passant à 15/20 dans la version 2018. Michelin l’a, en ce qui le concerne, gratifié d’un BIB Gourmand, ce qui est une récompense sympa mais plus que probablement en-dessous du niveau actuel de la cuisine.
Le chef du Lucana, Gianni Caruso, est également un membre actif du collectif JRE (Jeunes Restaurateur). On ne s’étonne pas que Lucana propose, entre autre, un menu JRE 6 services selon l’inspiration du chef (69 euros).
Le cadre
Le cadre du restaurant est moderne et bien pensé en terme d’occupation du volume. Les tables sont bien dressées et assez spacieuses.
La cave à vins
Dans ma conception, un grand repas ne peut se faire sans un grand vin et la partie liquide est donc tout aussi importante que la partie solide.
Le restaurant Lucana semble partager la même philosophie puisque, à peine les portes franchies, cela saute aux yeux.
Je ne suis pas un spécialiste des vins italiens et je les connais relativement mal. Il m’est donc difficile de porter un jugement très éclairé sur la carte des vins du Lucana.
Mais on peut constater, en toute objectivité, que la carte est étoffée et contient des vins à tous les prix avec des premières bouteilles qui tournent autour de la trentaine d’euros.
On peut également viser des bouteilles plus prestigieuses comme ce magnifique Amarone de Giuseppe Quinterelli
Le Lucana a même la chance de pouvoir proposer, à ses clients, le très rare et très cher Masetto (surnommé parfois le Pétrus italien).
Un autre point intéressant de cette carte des vins est le petit texte explicatif qui accompagne chaque bouteille.
Finalement, si j’avais une remarque à émettre, c’est peut-être que la carte des vins devrait indiquer le millésime. Je me doute que, pour éviter de devoir réimprimer sans arrêt les feuilles à chaque changement, il est plus facile de ne pas indiquer le millésime et qu’il est toujours possible de poser la question. Mais, pour un amateur de vin, le millésime est d’une importance capitale et il est toujours agréable de l’avoir sous les yeux. D’autant que, quand un restaurant comme Lucana, a fait tant d’efforts pour construire une si belle carte, c’est un peu dommage de s’arrêter en si bon chemin.
Les vins du Lucana
Ce qui est intéressant avec les vins proposés par le Lucana, c’est qu’on peut voyager. On peut donc commencer par un Francaciorta dont la philosophie est parfaitement résumée sur la carte: « A ne pas confondre avec les mousseux, la Franciacorta est une magnifique appellation qui produit des pétillants selon les grandes méthodes champenoises (double fermentation) ». La technique est donc celle de la Champagne mais, après l’avoir goûté, la qualité de ce pétillant est clairement lui aussi du niveau d’un bon Champagne.
Un autre vin, excellent et pas trop cher (46 euros à la carte) est ce Brolettino blanc 2015 Cà dei Frati. Bien que le cépage soit le turbiana et non le chardonnay, il a l’élégance d’un Bourgogne très bien fait avec une bouche légèrement et finement grillée. Ce n’est peut-être les arômes typiques d’un vin italien mais cela n’en demeure pas moins très bon.
Le service en salle
En salle, on retrouve Isabelle, la moitié de Gianni, ainsi que leur fils ainé. Lucana est une histoire de famille. On dira ce qu’on voudra mais une patronne en salle, cela se ressent toujours. La motivation de faire plaisir à ses clients et non pas celle de faire plaisir aux clients de son employeur se perçoit toujours.
Le chef du Lucana : Gianni Caruso
J’ai rencontré Gianni pour la première fois à la présentation du guide Michelin 2018. Il était, par hasard, assis à côté de moi. Le courant est très vite passé car Gianni a cette qualité rare d’un franc parlé assuré et assumé. Dans le monde de la gastronomie belge, où l’hypocrisie est très présente, les gens qui disent directement ce qu’ils pensent sont appréciables…et appréciés.
Gianni, d’origine sicilienne, est quelqu’un de chaleureux. C’est dans ses gênes et cela se ressent d’emblée. Il est expressif et content qu’on vienne découvrir ce qu’il propose au Lucana.
Il a aussi, comme souvent dans la culture d’Europe du Sud, le contact facile avec les enfants. Alors il sort de la cuisine pour venir demander aux enfants ce qu’ils souhaitent manger et leur propose tous les ajustements dont ils ont envie pour leur plat de pâtes. Les enfants sont ravis et, par ricochet, les parents aussi.
Le style culinaire de la maison
La cuisine italienne en Belgique est presque une calamité. Il y a une quantité incroyable de restaurants italiens mais, au final, il y en a relativement peu qui valent le déplacement. Et ce nombre se restreint encore quand on quitte le domaine de la cuisine simple et goûteuse de trattoria.
Lucana fait partie de ces raretés. Je ne serais d’ailleurs pas étonné que le précieux sésame, à savoir l’étoile Michelin, ne finisse un jour par arriver car il me semble qu’on a atteint le même niveau qu’un San Daniele ou qu’un Senza Nome.
La cuisine de Lucana est assez travaillée mais pas trop non plus, ce qui reste dans l’esprit de la cuisine italienne qui fait la part belle au produit et à la simplicité. Le chef dépasse aussi le stade du simple risotto ou de la simple pâte, osant même le pari de revisiter des grands classiques de façon très réussie.
Les premières entrées du menu du Lucana
Voici donc le fameux Vitello Tonnato revisité. Gianni a intelligemment inversé la composition et propose ce qu’une convive de la table a très justement appelé un Tonnato Vitello. Le tartare de thon est en effet l’élément central du plat. Le chef réussit donc le pari risqué de revisiter un classique sans le dénaturer et sans en effacer les marqueurs constitutifs. L’exécution est parfaite.
En seconde entrée, le chef proposait du poulpe en tempura, pomme de terre écrasée à l’encre de seiche et légumes, ricotta salée. La technique est réussie car la cuisson du poulpe est maitrisée (ni trop mou ni trop sec) et la pâte à tempura est très fine. L’accompagnement relève bien l’ensemble du plat en lui donnant une dimension plus profonde.
Les entrées suivantes du menu
En troisième entrée, Lucana proposait de la Fregola Sarda, langoustine, kalamansi, poireaux, lard de Colonata, cappuccino de crustacés. La langoustine est d’un beau calibre et le mariage terre-mer avec le lard de Colonata apporte beaucoup de goût au plat. C’est aussi un mélange bien dosé car l’acidité du kalamansi contre-balance très justement le gras du lard. La sauce, qui a dû probablement réduire longuement et lentement, finalise la touche de gourmandise qu’un tel plat demande.
Dans un restaurant italien, surtout haut de gamme, difficile de faire l’impasse sur un risotto. Le chef du Lucana le proposait ici avec un produit de saison : l’asperge. Travailler des produits de saison, c’est devenu assez incontournable dans l’état d’esprit actuel. Par contre, hélas, la saison de la truffe noire est terminée. Le plat est donc proposé avec un peu de truffe d’été (un produit nettement moins intéressant) et un beurre de truffe blanche. La cuisson est remarquable et le beurre apporte énormément de rondeur et de gourmandise. Finalement, la truffe d’été pourrait être retirée du plat qui n’en souffrirait pas le moins du monde. Et, en saison des truffes d’hiver, le plat doit sûrement prendre une dimension toute autre.
Le plat principal
En plat, Gianni Caruso avait préparé un pluma, crème de moutarde au balsamique, galette de polenta au thym, cianfotta Napolitaine. C’est un plat à nouveau très bien maîtrisé sur la technique de cuisson et sur la sauce. On retrouve aussi tout le soleil de Naples avec l’accompagnement. A noter qu’il est amusant de voir que Gianni, Sicilien, n’hésite pas à travailler des recettes d’autres régions que sa région de cœur.
La seule petite remarque, sur ce plat, se situerait peut-être au niveau de la galette de polenta dont on sentait relativement fort la mise en place.
Les dessert du Lucana
Les desserts sont souvent les points faibles des restaurants. Au Lucana, ce n’est pas le cas. Ce sont des desserts bien travaillés, toujours représentatifs de la cuisine italienne et surtout avec une sucrosité très maitrisée de part l’apport malin d’acidité au travers des agrumes.
Ricotta, génoise à l’huile d’olives, coulis de carotte-orange, sorbet à l’orange sanguine
Croquant de chocolat, yuzu, mangue, passion, meringue, sorbet yuzu
Pour terminer
Enfin, cerise sur le gâteau, quelques éclats de Parmigiano Reggiano 24 mois servis avec un élixir de raisin de Pantelleria. L’umami dans son excellence. Remarquable !
Conclusions
En conclusion, Lucana a tout pour plaire : la chaleur de l’Italie, la carte des vins remarquable et une cuisine à la fois respectueuse des traditions italiennes et à la fois sophistiquée.
Voici enfin un restaurant italien haut de gamme, comme on en trouve hélas bien trop peu en Belgique. Merci Lucana d’exister !
Lien vers le site web du restaurant
Menu du Lucana
Mises en bouche
Vitello Tonnato revisité
Poulpe en tempura, pomme de terre écrasée à l’encre de seiche et légumes, ricotta salée
Fregola Sarda, langoustine, kalamansi, poireaux, lard de Colonata, cappuccino de crustacés
Risotto au beurre de truffes blanches, asperges, truffe
Pluma, crème de moutarde au balsamique, galette de polenta au thym, cianfotta Napolitaine
Ricotta, génoise à l’huile d’olive, coulis de carotte-orange, sorbet à l’orange sanguine
Croquant de chocolat, yuzu, mangue, passion, meringue, sorbet yuzu
Parmigiano Reggiano 24 mois élixir de raisin de Pantelleria
Localisation du restaurant
Quelques photos
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