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Restaurant Bozar par Karen Torosyan à Bruxelles

Restaurant Bozar par Karen Torosyan à Bruxelles.

L’histoire gastronomique du Bozar a vraiment commencé en décembre 2010 avec l’ouverture de Bozar Brasserie. On y allait alors pour un plat de brasserie, vite fait bien fait, avant ou après le spectacle. Les clients ne souciaient pas vraiment de celui qui cuisinait.

Depuis, logiquement au vu de l’évolution de la cuisine, le terme de Brasserie a disparu. On parle maintenant du restaurant Bozar, tout simplement. On sait aussi que le chef s’appelle Karen Torosyan, qu’il figure parmi l’élite bruxelloise et c’est pour sa cuisine que les clients se déplacent (parfois même de très loin).

Se remémorer le passé montre aussi qu’à force de travail et d’abnégation, on peut gravir les échelons, racheter le restaurant où on est employé et y accrocher un 17/20 au Gault & Millau, une étoile Michelin, le titre d’artisan de l’année Gault & Millau 2017….et le titre de champion du monde du pâté-croûte en 2015.

La tourte charcutière

Je me souviens d’un repas précédent, en 2015, où j’avais dégusté la tourte chaude à base de porc basque, de foie gras de canard et de chou vert. C’était un plat excitant et gras mais intelligemment accompagné d’un magnifique pickles de légumes pour apporter de l’acidité et atteindre une forme d’équilibre. Ce n’est sûrement plus comme cela qu’il est fait maintenant mais, déjà en 2015, c’était diablement bon et pas mal joli. 

Le Pithiviers du Bozar

La seconde croûte que Karen Torosyan a ressuscitée, après plus d’un an de travail, c’est le pithiviers. Ce plat tient une place particulière dans mon coeur car c’est lui qui a déclenché ma passion des croûtes chaudes.

A la différence de la tourte qui est à base charcutière (foie de volaille haché, cochon haché,…), le pithiviers se compose de plusieurs couches empilées les unes sur les autres. Sur la version 2018, les strates étaient faites de petits légumes, de canard au sang de Challans de truffes, de foie gras d’oie et de chou.

En pleine saison d’hiver, une version truffée est proposée.

La complexité d’un pithiviers

Ce qui fait la grandeur de ce pithiviers, c’est l’association de produits nobles, une perfection des cuissons et une croûte bien croustillante. Ce plat, même s’il peut paraître simple, est très technique car il y a plusieurs obstacles à surmonter.

Tout d’abord l’obtention d’une pâte dorée, croustillante et non mouillée. Il faut gérer le gras et les niveaux d’humidité des différentes viandes. Une composition trop peu grasse donne un plat sec. Trop de gras mouille la pâte et la rend mollassonne. 

Ensuite le pithiviers est un plat qui nécessite énormément de travail avec un timing précis. Il ne peut se préparer qu’un jour à l’avance, ni plus ni moins et c’est pour cela que le plat n’est disponible que sur réservation 48h à l’avance.

Le Koulibiak

Bozar restaurant ne s’est pas arrêté en si bon chemin. D’autres croûtes chaudes sont apparues par la suite : Boeuf Wellington et Koulibiak. Pour ces croûtes là, il faut toutefois être plus nombreux : entre 6 et 8 personnes.

J’avais déjà vu quelques photos du Koulibiak (saumon écossais, épinards,sarrasin, champignons de Paris). Mais le plat ne m’attirait pas. J’avais peur d’avoir quelque chose de plus monolithique et de moins noble.

Mais le repas de début 2018 (date de la photo ci-dessus), m’avait fait changer d’avis. Bozar restaurant est parvenu, avec ce plat, à faire une grande croûte sans le moindre produit noble. C’est d’ailleurs un plat plus raffiné et plus léger que les autres.

La granivore

La petite dernière croûte du Bozar restaurant (enfin je dirais presque l’avant-dernière car il y en a aussi une en dessert) est arrivée en 2019 sous la dénomination de « Pigeon du Mont Royal en croûte de graines, foie gras d’oie, anguille fumée par nos soins. ». Depuis, elle a encore évolué pour s’appeler maintenant Granivore de pigeon : pigeon breton, foie gras d’oie et anguille fumée. 

Si j’en parle en dernier, c’est n’est pas par hasard. Tout d’abord c’est la dernière arrivée dans la carte des croûtes. Mais, aussi et surtout, je pense que c’est la plus belle et la plus aboutie de toutes les croûtes.

La perfection

Quand on cherche à écrire un blog pour partager le plus précisément sa passion (la gastronomie), on est attentif à tous les détails et on tente d’affûter au maximum son esprit et ses sens analytiques. C’est, au début, passionnant car on découvre et on apprend énormément. Mais, à un moment, cela devient une mauvaise habitude. Le problème est que l’on devient un éternel insatisfait, trouvant toujours un point d’amélioration possible et songeant en permanence aux références des plus grands chefs (souvent tri-étoilé Michelin). On perd aussi un peu cette notion essentielle du plaisir de s’asseoir, de se laisser aller et de profiter. On finit, en fait, par regretter un peu le temps où l’on découvrait et où l’on s’extasiait devant les découvertes proposées.

Ce préambule étant dit et le contexte étant posé, cela faisait donc des années que je n’avais plus vraiment vibré. J’avais presque oublié ce que c’était, à table. Je mangeais souvent bien, parfois très bien mais plus jamais exceptionnellement bien. Je n’espérais d’ailleurs plus vraiment jusqu’à ce que la première bouchée de granivore, servi par Karen Torosyan, me replonge dans la félicité, dans la plénitude et dans le lâcher prise qui s’impose quand l’émotion vous submerge.

Lorsque j’emploie le qualificatif « classique », pour caractériser une cuisine, c’est un immense compliment que j’adresse. Chacun ses goûts et les miens sont là. Mais je ne dirais pas vraiment que Karen Torosyan perpétue la tradition de la cuisine classique au travers de ses croûtes. Karen Torosyan ne reproduit pas. Karen Torosyan ne revisite pas. Karen Torosyan porte les croûtes au rang d’oeuvre. Il leur donne, par là, les lettres de noblesse qu’elles méritaient depuis des années mais que personne, à part peut-être Brillat-Savarin et son Oreiller de la Belle Aurore, n’avait jamais pu leur apporter. 

Le niveau de sa cuisine est tel qu’il a obtenu le titre d’artisan de l’année au Gault & Millau, 17/20 et une étoile Michelin et je serais très surpris, vraiment, que cela en reste là. Mais, bien plus important que les titres des guides, il a suscité l’envie, chez ses confrères (parfois étoilés aussi) de revenir à ce genre de plat, suscitant par là une véritable tendance de fond. Après, pour en avoir goûté quelques-uns ici et là,  je dirais que Karen Torosyan est souvent imité….mais jamais égalé. Le maître du genre reste le premier de la classe.

Comment décrire l’émotion d’un plat ? C’est ce qu’il y a de plus difficile. Une émotion, cela se vit et cela se ressent. Ca ne se photographie pas et les mots ne suffisent pas. Mais, à défaut de mieux, on s’en contentera.

Le granivore est tout d’abord l’équilibre parfait. Parfait signifie qu’il faut à la fois percevoir la particularité et les saveurs de chaque ingrédient et à la fois ressentir un sentiment de cohésion et d’harmonie. Chaque ingrédient doit trouver sa place et doit contribuer à faire que l’ensemble soit supérieur à chacun des éléments individuels.

Il faut ensuite que le plat soit fin et délicat, mais pas trop. Un plat trop fort, trop gras ou trop riche devient écoeurant. Un plat trop fin et trop léger est et reste un peu insipide.

Mais, surtout, il faut que le plat provoque une émotion. Si un plat ne vous donne pas des frissons, s’il ne vous fait pas trembler, s’il ne vous hérisse pas les poils sur les bras, s’il ne vous fait pas oublier le moment présent, c’est qu’il n’est pas parfait (pour vous).

Le granivore est ma perfection. L’élégance au regard n’a d’égal que son élégance en bouche. L’assiette est de toute beauté : une sauce brillante (à tel point que la croûte s’y reflète), des cuissons différentes et parfaites sur chacune des couches, un remplissage dense et enfin une croûte extérieure qui se tient et qui n’est ni sèche ni sur-trempée suite à la cuisson.

En bouche, l’harmonie se confirme. Le terre-mer est élégant, notamment par le goût fumé délicat apporté par l’anguille. Les textures sont respectées et la sauce donne de la profondeur à l’ensemble. L’attaque est vive, la bouche est longue (chacun des ingrédients venant, tour à tour, apporter leur note à la symphonie). Enfin, l’ensemble reste d’une fraicheur étonnante.

Je me dis à chaque fois que je déguste une croûte du Bozar restaurant qu’on ne peut pas faire mieux. Et je me trompe à chaque fois lors la croûte suivante que j’y déguste. Encore que, cette fois-ci, j’ai peut-être raison et on a peut-être bien atteint la perfection.

Le Bozar, ce n’est pas que des croûtes

Pâté-croûte, tourte, pithiviers, koulibiak, granivore…..un monde de rêve donc et une véritable signature sans laquelle Bozar restaurant ne serait pas Bozar restaurant. Mais il serait réducteur de limiter la cuisine de Karen Torosyan à cela.

Il y a un travail énorme dans les assiettes. Mais, là où le chef du Bozar restaurant est très fort, c’est qu’il a compris que le mieux est l’ennemi du bien. Il sait s’arrêter juste là où il faut, à cet endroit précis et si difficile à trouver (qu’on pourrait appeler le point G de la gastronomie).

Sur la première entrée, tourteau oseille salicorne caviar osciètre ‘’Imperial Héritage‘’, on est marqué par la finesse et l’équilibre. 

Mais c’est surtout sur la seconde entrée que l’équilibre parfait transcende. Le produit central est la langoustine, produit délicat par excellence et qu’il faut donc mettre finement en valeur (au risque sinon de l’étouffer complètement). Travaillée sous forme de soufflé à l’intérieur de la fleur de courgette, la langoustine est un peu sur la retenue. Mais un plat se déguste dans son entièreté et le consommé de langoustines, plus concentré en goût, apporte toute la structure du plat, ce qui suscite le sentiment qu’on mange un grand plat.

Le proverbe dit que le diable se cache dans les détails. Au Bozar restaurant, c’est l’excellence qui s’y cache, comme avec ces pains remarquables, nouvelle preuve d’une recherche approfondie et d’une maîtrise parfaite:

Les desserts au Bozar restaurant

Les desserts sont souvent le point faible des restaurants. Et c’est dommage car c’est en général la dernière impression que l’on laisse aux clients. Les desserts du Bozar restaurant sont au niveau des autres plats de la cuisine: gourmands, généreux, soignés et précis.

Et le sommet du sommet, c’est….bien entendu….une croûte ! La croûte finale ! Le millefeuille vanille de Tahiti (cuisson minute du feuilletage).

Ce dessert est sublime parce que c’est, à nouveau, un dessert pensé et étudié jusque dans les plus petits détails. Une cuisson minute, qu’on ne retrouve jamais nulle part et une découpe juste avant de servir. Le millefeuille est léger et aérien. Lorsqu’on le tranche, il ne plie pas mais il chante délicieusement.

La carte des vins Bozar

La carte des vins a longtemps été le point faible du restaurant. Mais on y trouve maintenant des références à la hauteur d’un chef étoilé et de ses créations : Selosse, Dagueneau, Guigal, Overnoy, Rougeard, Foillard, Trevallon,….

Il y a aussi une sélection variée de vins au verre

La question qui se pose, c’est quel vin boire avec le granivore ? La carte des vins du Bozar s’étant enrichie de belles références, beaucoup de vins accompagneront à merveille ce plat. On pourrait être tenté par un Beaujolais de Foillard pour trouver la fraîcheur et le fruité. Mais le granivore, de par son excellence, mérite mieux. Si on ne casse pas sa tirelire au Bozar pour accompagner au mieux un tel plat, où le fera-t-on ?

Nous avons donc tenté un duo intéressant : La Mouline de chez Guigal 2004 et Les Carelles du domaine Jacques Selosse (un des Grand Cru parmi les lieux-dits). Le champion en terme d’accord n’est pas celui auquel on s’attendait à priori. C’est, en effet, le grand cru du domaine Jacques Selosse qui l’emporte. Je n’aurais jamais pensé qu’un champagne pourrait rivaliser et pourrait tenir la dragée haute à un plat comme le granivore. Mais ce champagne n’est pas comme les autres : c’est la quintessence (et ma cuvée préférée du domaine, même si des cuvées plus chères, comme Substance, existent). Le secret de ce Champagne est sa profondeur en bouche et son oxydation maîtrisée. Une gorgée et ses arômes s’imposent et amènent au palais une fraîcheur permettant d’apprécier encore plus la bouchée suivante.

L’homme derrière le chef du Bozar

On ne peut parler de la cuisine du Bozar restaurant sans parler de l’homme qui est derrière, sans connaître sa profonde envie d’évoluer, sans connaître son insatiable recherche de la perfection et sans connaître son travail d’acharné.

La première chose marquante chez ce chef, c’est son humilité. Il a déjà enchainé les prix et les consécrations. Il va plus que probablement encore en empiler quelques-uns dans les années à venir. Mais il continue de rester simple et animé par le plaisir de cuisiner et le plaisir de faire plaisir.

Je pense que ce chef, malgré son succès médiatique indéniable et amplement mérité, n’a jamais oublié qu’il a dû travailler pour en arriver là et que rien n’est jamais acquis. Alors il continue de travailler encore et encore….et les assiettes ne cessent d’évoluer qualitativement.

Mais un grand chef, seul, ne serait pas grand chose. On peut être aussi bon cuisinier que l’on veut, on n’est rien si l’équipe n’est pas là. Je suis content de constater que Karen ne semble pas trop subir les difficultés de ses confrères et qu’il a fédéré, autour de lui, une très bonne équipe.

Il est tout d’abord secondé par Cassandre Ercolini, qui est l’épaule solide sur laquelle le chef peut se reposer. Casandre, sans faire de vagues médiatiques, abat un fameux travail en tant que « Cheffe Executive ». Pour le service, il peut compter sur Vincent Sibourg, qu’on avait croisé au Sea Grill. Vincent aime son métier et il le montre. Il est souriant, il explique bien et il vient présenter les plats avant et après cuisson. Il a aussi l’envie de transmettre et de former la génération suivante.

Conclusion

Avant, on allait au Bozar restaurant pour manger un plat avant de profiter d’un spectacle. Avec le chef Karen Torosyan, on va maintenant chez Bozar restaurant pour la signature culinaire qu’il y développe avant de terminer la soirée, éventuellement, par un spectacle. Le point culminant s’est donc déplacé de la salle de spectacle à la salle du restaurant.

Je n’ai presque plus rien à ajouter si ce n’est un grand merci pour ces moments d’émotion. Je ne peux que vivement conseiller à tout le monde, une fois dans sa vie, de tenter cette expérience. Car, comme le disait si bien mon ami Patrice Coppin : on n’a jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard.

 


Lien vers le site web de Bozar

http://bozarrestaurant.be


Localisation du Bozar


Menu du restaurant Bozar

La carte et les menus

Menu les classiques

Première mise en bouche

Choux crème de parmesan, patanégra

Boeuf, dashi

Croquette de crevettes grises

Les pains


Tourteau, oseille, salicorne, caviar osciètre ‘’ Imperial Héritage‘’

Fleurs de courgette, soufflé aux langoustines, consommé de langoustines

Granivore de pigeon : pigeon breton de la famille Bogar, foie gras d’oie, anguille fumée

Cuisse de pigeon (du granivore)

Pré-dessert : Sorbet tomate, framboises, romarin

Millefeuille, vanille de Tahiti, feuilletage cuit à la minute


Photos


D’autres repas chez Karen Torosyan

11/12/2009: https://www.passiongastronomie.be/2019/12/restaurant-bozar-bruxelles-torosyan/

31/01/2018 : https://www.passiongastronomie.be/2018/01/bozar-restaurant-bruxelles/

25/06/2016 : https://www.passiongastronomie.be/2016/06/bozar-brasserie-restaurant-bruxelles/

12/02/2016 : https://www.passiongastronomie.be/2016/02/bozar-brasserie-3/

18/11/2015 : https://www.passiongastronomie.be/2015/11/bozar-brasserie-2/

30/10/2012 : https://www.passiongastronomie.be/2012/10/bozar-brasserie/

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