Le monde des fous de gastronomie est un petit monde, très petit. Je ne connais personne qui ne soit pas fan d’un bon repas au restaurant. C’est un plaisir qui touche en effet tout le monde. Mais, à contrario, le nombre de ceux qui ont poussé leur passion au plus loin est réduit. On ne croise en effet pas tous les jours des gastronomes ayant expérimentés plusieurs restaurants trois étoiles Michelin dans plusieurs pays/continents.
Alors, quand on en croise un via les réseaux sociaux, on se demande « en amis » et on échange sur notre passion commune. C’est comme cela que j’ai rencontré Alex Ongaro, « flying passionnate » qui n’hésite pas à traverser les océans et à manger dans les plus grandes adresses du monde. Je m’avoue d’ailleurs battu à plates coutures et impressionné par sa longue liste d’expériences.
Alors quand Alex vous écrit, au détour d’une conversation sur la cuisine asiatique, que Ryôdô est « probablement le seul restaurant japonais valable en Europe, sauf à se déplacer à Londres ou Paris », je l’écoute avec attention ! D’autant qu’Alex avait eu le nez fin car, peu de temps après avoir écrit cela, le chef Ryodo Kajiwara a été élu chef de l’année au Gault & Millau 2022 et a reçu une première étoile Michelin.
Un restaurant japonais qui fait voyager
Quand on choisit un restaurant japonais, c’est avant tout parce que l’on souhaite voyager au Japon le temps d’un repas. Il y a donc, dans la grand majorité des cas, deux choses qui sont très frustrantes avec les restaurants japonais:
- lorsque le chef apporte une touche européenne aux plats
- lorsque le chef se limite aux sushis et aux sashimis
Ces deux raisons font que, malgré avoir essayé plusieurs restaurants japonais (dont un étoilé Michelin en Belgique), je n’avais pas encore trouvé celui qui remplirait mes attentes. Mais, finalement, j’ai enfin trouvé Ryôdô, un restaurant qui m’a fait voyager avec le cadre, avec les sakés et, bien entendu, avec les plats.
Le cadre du restaurant Ryôdô
Le cadre du restaurant Ryôdo est, comme on l’espérait, épuré et minimaliste.
Le dressage de la table est, comme on l’espérait aussi, excessivement précis et méticuleux.
Enfin, point qu’on apprécie toujours, on a une vue sur le chef Ryôdô Kajiwara en train de travailler.
Les vins…et surtout le choix de saké de Ryôdô
La carte des vins
Je qualifierais la carte des vins du restaurant Ryôdô, comme classique et correcte. On trouvera, à tous les prix à partir de 60 euros environ, des bouteilles qui accompagneront bien les plats du chef.
Il y a en sus un choix relativement vaste et varié de vins au verre:
On peut donc choisir un bon vin, comme cette cuvée Arcane du domaine Fosse-Sèche (65 euros). Ce chenin, très vif et tranchant, est assurément un bel accord avec les premiers plats du menu.
La carte des sakés
Toutefois, ce serait dommage de faire ce choix et ce n’est absolument pas ce que je conseillerais avec le recul. Car le restaurant Ryôdô a fait un travail énorme sur les sakés. Les sakés, vous connaissez n’est-ce pas ? Ce petit alcool qui est parfois offert en fin de repas et qui vous décape la bouche (et le reste) ? Et bien vous pouvez oublier cette définition du saké et découvrir chez Ryôdô ce que sont les vrais sakés, un breuvage haut de gamme et hautement intéressant pour un passionné.
Car le saké, quand il est bien fait comme ce Zaku Impression H servi à l’apéritif, est d’une grande légèreté et d’une grande finesse en bouche. On comprend pourquoi c’est le mariage parfait avec la cuisine japonaise.
La carte propose toute une série de sakés, à la bouteille ou au verre, en grand cru ou pas:
En fin de repas, ce saké de dessert (non-filtré et donc d’apparence laiteuse) a encore attisé ma curiosité.
J’ai donc commandé un verre, un peu craintif toutefois. Et bien, ce fût à nouveau un saké qui m’a impressionné par sa finesse et par sa haute maîtrise du niveau de sucre. On avait ce ressenti de douceur avec, en même temps, de la fraîcheur. Le sucre ne se sentait absolument pas et c’est comme cela que j’aime finir un repas.
Grâce à Ryôdô, ma vision des sakés a évolué. Je savais qu’on en faisait des bons et je n’en doutais pas. Mais il a fallu que je les rencontre, chez Ryôdô, pour en avoir la pleine connaissance.
La cuisine du chef
Le sushi
La cuisine du chef Ryodo Kajiwara est une cuisine japonaise de haut vol. On a envie d’écrire « gastronomique comme là-bas ».
Tout le monde connait les sushis et sashimis et énormément de personnes aiment cela. Toutefois, on ne peut vraiment comprendre l’intérêt des sushis et des sashimis qu’après avoir goûté ceux d’un chef comme Ryodo Kajiwara. Parce qu’il faut en effet deux choses qu’on rencontre très peu : un poisson haut de gamme et la perfection de l’exécution. Trop souvent, on n’a ni l’un, ni l’autre. Cela donne, en général, quelque chose de bon mais jamais quelque chose de grand.
Du thon rouge, tout le monde connait et tout le monde pense en avoir déjà mangé. Mais le thon rouge, le vrai, est une espèce en voie de disparition et très chère. Par exemple, en 2019, Kiyoshi Kimura a acheté un thon rouge de 278 kg en provenance du Pacifique pour 2,7 millions d’euros, soit un prix de 9 712 euros le kilo. Inutile de préciser qu’il est donc rare qu’on soit servi avec du vrai thon rouge du Pacifique et que, lorsque c’est le cas, la quantité sera réduite à quelques grammes. Pour le thon rouge de Méditerranée, les prix sont bien moindres mais cela reste un poisson coûteux. Une étude, sur Bruxelles, concluait d’ailleurs : « Si vous commandez du thon rouge à Bruxelles, vous avez 95% de chances que le serveur vous apporte autre chose, le plus souvent du thon albacore ».
Ryôdô travaille le thon rouge en sushi. Ce sushi m’a semblé tellement bon que je pense sincèrement qu’il s’agissait d’un produit d’exception. J’ai donc croisé, sur cette bouchée, la perfection du produit et la perfection de l’exécution.
Le sashimi
Le plat peut-être bien le plus marquant de mon repas chez Ryôdô, c’est, assez étonnement, le sashimi de sériole. J’ai enfin compris tout l’intérêt d’un sashimi et l’engouement que les japonais ont autour de ce plat. La texture, en bouche, ressemble à celle du beurre : c’est onctueux. Cela se marie donc parfaitement avec le beurre de ponzu servi en accompagnement. On a ensuite des arômes très fins et très délicats, à l’opposés d’un goût poissonneux ou d’un goût de mer surpuissant. On pourrait presque faire adorer ce plat à celui qui n’aime pas ce qui vit dans l’eau.
Je pensais connaître les sushis et les sashimis. En fait, grâce à Ryôdô, j’ai découvert que je ne connaissais que la façe visible de l’iceberg, face la moins intéressante en fait. Ryôdô m’a ouvert les yeux sur l’amplitude et la complexité de ces deux plats d’apparence simples.
D’autres plats de Ryôdô
Le restaurant Ryôdô fait voyager. On a donc, dans le grand menu du soir, d’autres plats que les sushis et sashimis. Et, à chaque plat, on a ce sentiment de parfaite exécution, de retenue, de précision et d’extrême finesse en bouche. On découvre une autre définition de la sapidité, une définition où, en tant qu’européen, on se rend compte qu’on peut l’atteindre avec autre chose qu’une sauce au beurre bien gourmande.
A titre d’exemple, cette entrée : Fleur de courgette farcie / tofu / ricotta / edamame / riz soufflé/ consommé de prune japonaise
Ou encore le Chawanmushi: Flan salé à la truffe d’été/ écume de dashi / croque-monsieur de truffe d’été
Le choc culturel du wagyu A5
Pour le plat principal de viande, deux options étaient possibles. Moyennant un supplément de 23 euros (par menu), on pouvait déguster le chou farci de wagyu d’origine japonaise classé A5 / sandwich de wagyu / Consommé de shiitaké
Je n’ai rien à redire sur ce plat. La composition et l’exécution sont irréprochables. Par contre mon palais européen n’a pas apprécié la façon dont ce produit noble et cher, le wagyu A5, a été préparé. J’aurais assurément préféré que cette viande, grasse par excellence, soit servie après avoir été snackée sur une plancha. Manger des gros morceaux de gras, cuits à l’étouffée, ce n’est vraiment pas ce que j’apprécie.
Je sais très bien que c’est le produit qui est comme cela et que c’est un produit prisé et de très haute qualité. On le voit d’ailleurs, à cru, sur le compte Instagram du restaurant.
Je dis simplement que, à refaire, je n’ajouterais pas 23 euros pour un wagyu préparé comme cela et que la déçeption est due à un choc culturel. Les asiatiques sont extrêmement portés sur les textures et l’infinie variation de la texture gélatineuse est un vecteur de différenciation de goût puissant. Mais l’expérience était intéressante.
Conclusions
S’il ne devait rester qu’un restaurant japonais, ça serait Ryôdô au Luxembourg : le seul à vous faire voyager au Japon ! J’y retournerai assurément dans quelques mois, avec l’intention d’approfondir les menus sushis et bento.
Localisation du restaurant Ryôdô
Le grand menu dégustation chez Ryôdô
Premières mises en bouche:
* Tartare de thon/ riz pressé/ ciboulette/ caviar
* Omelette aux épinards/ vinaigrette au miso
Secondes mises en bouche:
Tempura de fleur de courgette / mayonnaise au vinaigre de riz
Tofu d’arachide / dashi / gingembre
Nouilles japonaises / consommé de tomate/ shiso rouge
Entrée : Fleur de courgette farcie / tofu / ricotta / edamame / riz soufflé/ consommé de prune japonaise
Sashimi : Sériole / beurre au ponzu / mizuna / salicorne / furikake / daikon cress
Sushi : Thon rouge de Méditerranée/ caviar impérial
Chawanmushi: Flan salé à la truffe d’été/ écume de dashi / croque-monsieur de truffe d’été
Pigeon du Pays de Racan :
Cuit sur coffre / nem à la piperade / maïs/ pâtes japonaises au sarrasin / sauce yakiniku
Chou farci de wagyu d’origine japonaise classé A5 / sandwich de wagyu / Consommé de shiitaké
Panna cotta de yaourt / mochi de pastèque / melon / soupe de pastèque / sorbet basilic vodka
Mignardises:
* Macaron au sésame/ chocolat caramélisé
* Gelée de vin rosé/ mousse de chocolat noir/ cerise * Guimauve de lait / anko/ matcha
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