Restaurant Château du Mylord à Ellezelles
Le Château du Mylord, deux étoiles Michelin, est le restaurant de référence de la région. Ces deux étoiles ne constituent par ailleurs que la partie visible de l’iceberg des récompenses.
Le cadre du Château du Mylord
Le cadre est idyllique : une belle bâtisse aux allures de château normand au milieu d’un parc classé de 3 ha.
Le service en salle
Un grand restaurant, c’est un ensemble. Les assiettes sont certes ce qu’il y a de plus important mais les métiers de la salle ont également leur rôle à jouer. Un service précis et minutieux permettra de profiter encore mieux des créations culinaires des chefs et de la sélection de vins du sommelier. Se sentir chouchouter est un luxe auquel on s’habitude vite.
Le service au Château du Mylord a su se hisser au niveau du restaurant : c’est un service haut de gamme sans être obséquieux, un service attentif, souriant et aux petits soins pour les clients. Carlo Cempi et son épouse y sont pour beaucoup, travaillant au Château du Mylord depuis respectivement 15 ans et 20 ans. Ils constituent, assurément, l’âme en salle du restaurant et contribue de bien belle manière à la grandeur de ce dernier.
Le chef du Château du Mylord : Jean-Baptiste Thomaes
Aux commandes des fourneaux du Château du Mylord, suite au départ à la retraite d’un des deux chefs, on retrouve Jean-Baptiste Thomaes.
J’avais encore en mémoire les desserts du frère pâtissier (celui qui est parti à la retraite). Le plateau de desserts, déjà présenté à l’époque par Carlo et sa compagne, était divin. Et pouvoir y piocher autant qu’on le désirait l’était encore plus.
Sur le menu qui nous avait été proposé (et discuté bien en amont du repas), je n’avais pas fait très attention au fait que ce n’était pas le plateau qui avait été retenu. Je pensais d’ailleurs que le plateau n’était plus de rigueur suite aux modifications de l’équipe cuisine. Mais c’était une erreur puisque je l’ai aperçu en salle par la suite.
Du coup, ayant encore cette image en tête, c’est vrai que le dessert du menu, à savoir mirabelle / amande / miel / crème la glace, m’a paru plus en retrait. C’est très bon mais probablement en dessous du reste du niveau du reste du menu et un peut-être peu court techniquement pour deux étoiles. J’aurais dû être plus attentif et je conseillerais le chariot pour vos menus. Sans doute même que le chariot devrait être systématique dans l’offre du restaurant car je trouve qu’il fait partie de son ADN.
Le style culinaire du Mylord
La cuisine du Château du Mylord est très facilement catégorisable : c’est le sommet du beau classique gourmand. Des produits nobles, des assaisonnements fins et une cuisson soignée. Au Château du Mylord, c’est le goût qui domine. Dans certains restaurants, on a parfois l’impression que la forme est plus importante que le fond avec des dressages magnifiques mais un contenu dans l’assiette très approximatif.
On peut aussi avoir l’impression qu’un chef change la texture d’un produit pour complexifier son assiette mais sans rien apporter de fondamental. Avec le chef Jean-Baptiste Thomaes, on a l’impression inverse : on part d’un magnifique produit et on construit autour des accords sûrs et précis. Ne s’ajoute donc dans l’assiette que ce qui aura une plus-value, le reste est enlevé. Au final on a des goûts francs et nets et une gourmandise impressionnante. C’est le style culinaire que je préfère.
La première entrée fût l’un des deux plus beaux plats : tartare de bar sauvage et langoustine, caviar, glace céleri-citron
Ce qui me fait peur à priori sur une assiette comme celle-là, c’est la glace au céleri. Je ne peux m’empêcher de songer : « Tartare de bar et langoustine avec du caviar, il n’y rien besoin de plus. La glace ne peut que dénaturer l’ensemble ». Mais j’aime bien me tromper. En fait, sans cette glace, le plat sera bon mais peut-être un peu morne, sans relief. L’acidité et l’amertume du céleri glacé apporte l’équilibre du plat, accompagnant magnifiquement les poissons/crustacés crus et l’iode du caviar.
Les sauces
Le chef ne se revendique pas disciple d’Escoffier en vain : ses plats sont rehaussés par des sauces majestueuses. J’aime à penser qu’il n’y a pas de grands plats sans une grande sauce. Le chef du Château du Mylord le démontre à merveille. C’est ainsi que j’ai ressenti un énorme coup de coeur avec une meunière de sole en tronçon, brocoletti et chou romanesco, coque, beurre d’algues et émulsion beurre noisette.
Tout d’abord j’adore le produit. Beaucoup de restaurants gastronomiques se tournent vers le turbot. Il faudrait être difficile pour ne pas aimer le turbot, bien entendu, mais les chaires sont plus fermes. De la sole meunière bien préparée (je pense notamment aux arrêtes à bien retirer) reste un classique particulièrement exquis. D’autant quand elle accompagnée, comme ici, d’une sauce incroyable : une émulsion de beurre noisette, servie à part (et j’ai oublié la photo).
Cette sauce était tellement bonne qu’on en a redemandé. L’équipe cuisine a réagi au quart de tour : quelques minutes après, une repasse de sauce était à table. C’était tellement bon qu’un convive a déclamé, sur un ton de la rigolade : « Qu’on nous amène une soupière ! « .
Une sauce, cela doit rester classique. On ne gagne jamais rien à partir dans tous les sens à ce niveau là. J’en suis convaincu, le Château du Mylord le semble aussi. Ceux qui ne le sont pas, c’est simple : je leur conseille les restaurants du Best50 (et ce n’est pas un jugement de valeur : l’important est que chacun connaisse ses goûts et s’y retrouve une fois à table).
Et au Mylord, on a du gibier
Le plat principal, saison de chasse oblige, était du perdreau sauvage et foie gras, chou pointu, artichaut « Moncelet », champignons sauvages, sauce à la riche.
« sauvage », « petits bateaux », « de ligne »,…. sont des termes qu’on retrouve souvent, même dans des restaurants moins prestigieux. C’est un terme sur lequel il y a énormément de fraude car le prix d’achat entre un bar et un bar de ligne, c’est un monde de différence. La tentation est donc grande de « tricher ».
Dans un restaurant du niveau du Mylord, je n’ai aucun doute qu’on ne joue pas à ce petit jeu là. D’ailleurs, sur le perdreau, la preuve de l’aspect sauvage était là, dans une assiette : un plomb. On lit souvent sur TripAdvisor et consorts des plaintes quand cela arrive. En ce qui me concerne, je suis ravi de trouver un plomb. Tout d’abord, il faut savoir que c’est très compliqué de retirer tous les plombs. On peut être le meilleur restaurant du monde qu’on ne sera jamais sûr de tout avoir retrouvé. Ensuite, un plomb est bien peu dérangeant et il témoigne de l’origine du produit. C’est, en quelque sorte, son label qualitatif.
Sur cette assiette, on remarque beaucoup de travail engagé. C’est aussi la marque de fabrique d’un deux étoiles Michelin : on propose plusieurs morceaux, préparés chacun à sa façon, et on varie ainsi les plaisirs. Sur le plan personnel, ce plat me séduit (mais, au fond de moi, je me dis qu’il me séduirait encore un peu plus avec une viande plus fortement saisie et un peau croustillante).
Le vin et les fromages
Au Château du Mylord, le plateau de fromage est conséquent. C’est donc un restaurant où faire l’impasse sur ce plaisir n’est pas la meilleure option.
Mais, avec ces fromages variés, que boire ? La tendance actuelle est de partir sur un vin blanc. Mais quel vin blanc ? Cette question revient souvent et il n’y a pour moi qu’une seule réponse possible : « à chaque fromage son vin et si possible un vin de la région (du fromage) ». Evidemment c’est un peu compliqué à réaliser. Encore que je me souviens que, lors de mon repas précédent au Château du Mylord où j’avais pris le forfait vin, le sommelier proposait plusieurs options en parallèle, en ce compris une gueuze cuvée Renée conservée quelques années en cave. C’est le genre de d’expérience qu’on ne vit que dans les deux étoiles.
Les vins au Château du Mylord
Je fais exprès de terminer mon article sur la partie « vins ». Car, au Château du Mylord, il y a de quoi écrire et je ne voudrais pas lasser ceux que le vin laisse indifférent. Bart Lamon fût durant presque vingt ans le sommelier. Avec l’aval du chef et une marge de manœuvre importante, il a bichonné une carte incroyable de plus de cent pages pour 13 000 bouteilles en stock.
Cette carte est un véritable petit bijou. A chaque page que l’on tourne, on a envie de prendre une ou deux bouteilles. On trouve de tout, vraiment de tout. Les plus grands vignerons sont présents avec souvent les plus belles cuvées et un choix parmi beaucoup de millésimes. La carte des vins du Château du Mylord a du recul, de la profondeur, du fond et de la structure. Elle constitue, assurément, la plus belle carte des vins que j’aie jamais croisée en Belgique.
Des stars à la carte
Parmi les stars de la carte se trouvait le domaine Comte Georges de Vogüé. Ce domaine est moins connu que le Domaine de la Romanée-Conti (présent lui aussi à la carte) mais il est particulièrement recherché car il possède la plus grande parcelle du grand cru Musigny et l’introuvable Chambolle-Musigny Les Amoureuses. C’est un domaine qui n’a pas hésité à déclasser son Musigny blanc en appellation bourgogne générique entre 1993 et 2015 suite à l’arrachage et la replantation des vignes de cette parcelle.
Un domaine qui se permet presque 25 ans de déclassement de certaines de ses parcelles les plus prestigieuses vise assurément l’excellence. Les prix demeurent, hélas, stratosphériques avec des bouteilles dépassant fréquemment le millier d’euros pour les crus les plus recherchés.
Je n’aurai sans doute pas souvent l’occasion de boire des vins d’un tel producteur. Et j’aurai encore moins l’occasion de le faire avec un plus vieux millésime, permettant de juger de la capacité de vieillissement des vins de ce domaine.
Le Château du Mylord avait, par chance, du 1989. C’était donc l’occasion. C’est un vin qui a bien tenu la route. On sent qu’il n’est plus tout jeune mais il n’est pas non plus trop vieux. Le fruit s’est intégré et laisse la place à des arômes d’évolution. Ce n’est pas non plus un vieux vin passé et plat. Il lui reste de la matière et de la longueur en bouche. Sa couleur, rouge sombre, témoigne d’une densité peu fréquente avec un pinot noir. Dix ans plus tôt je pense qu’on aurait eu l’apogée aromatique mais, dix ans plus tard, il faudrait être difficile pour critiquer ce vin….sauf sur son prix hélas.
D’autres pépites dans la cave du Mylord
A côté des stars d’aujourd’hui, on peut encore trouver, en fouillant bien dans la carte du Mylord, des stars d’antan. Il y avait, et cette bouteille était incontournable pour des amateurs de Rhône-Nord, de l’hermitage de Jean-Louis Grippat 1990. Le domaine n’existe plus car il a été racheté par la maison Guigal.
On a donc, ici, une pièce d’histoire en voie d’extinction. A 100 euros la bouteille, c’est une des plus belles affaires de la carte. Un hermitage bien fait et bien conservé pendant des décennies, comme cette bouteille, donne souvent ce qu’il a de plus beau : un bouquet d’épices, des notes de café et une aromatique fumée très caractéristique. Surtout ne la commandez pas si vous allez au Mylord : j’aimerais en boire quand j’y retournerai.
Et puis il y a mes chouchous
Dans les belles cartes des vins, c’est toujours compliqué de choisir. La tentation est forte de tenter les découvertes comme elle est forte d’aller vers les valeurs sures. Il y a des vins, que je croise, et sur lesquels je ne peux faire l’impasse. Il y a, pour commencer ou pour terminer le repas, les champagnes Selosse. Hier, chez Maxime Colin, je me régalais d’un de ses grands crus.
Ce soir, c’était son initial qui était servie. C’est un domaine vraiment incroyable car, de l’entrée de gamme à ses grands crus, la trame est là. Il y a toujours l’aspect vineux combiné à la fraîcheur. Il se passe parfois des mois avant que la chance ne place un Selosse sur ma table. Ici, deux Selosse en deux jours, c’est une belle anomalie statistique que j’aimerais rencontrer plus souvent.
Il y a un autre domaine incontournable : le château Rayas. Suite à ma rencontre avec le propriétaire/vigneron Emmanuel Reynaud au domaine, je bois ses vins autrement…plus intensément. Parmi les vins de Mr Reynaud (le vigneron m’impressionne tellement que le Monsieur est naturel quand je parle de lui), il y en avait un que je n’avais encore jamais bu : la Pialade.
J’étais curieux de voir si, sur ce vin, je retrouverais la patte du vigneron, une patte difficile à définir mais que je caractériserais par une couleur légère, des arômes de fraises écrasées et une certaines forme de finesse (exquise et délicate sur un Rayas ou Fonsalette et un peu plus enrobée sur les vins du Domaine des Tours).
Pialade fait bien partie de la famille. Je suis certain que Mr Reynaud a un secret, un secret bien marqué, qui transcende les terroirs et imprime une identité unique à ses vins. A 75 euros la bouteille à la carte du Château du Mylord, c’est une expérience qu’on ne peut que tenter.
Finalement, s’ii y a bien un endroit où je conseillerais de casser la tirelire pour faire des folies sur les vins, c’est au Château du Mylord. Ce sont des excès qu’on ne regrette jamais.
En conclusion
Le restaurant le Château du Mylord, de Jean-Baptiste Thomaes, propose une cuisine ensorceleuse. Au pays des sorcières, on n’en attendait pas moins.
Le restaurant demeure au sommet en proposant une belle cuisine classique et gourmande. Mais le Mylord ne se résume pas qu’aux assiettes du chef. Il y a, en sus, la carte des vins et le service admirable de Carlo Cempi et sa moitié.
C’est là que réside la force du Mylord : dans cette expérience globale et élitiste et dans cet équilibre de raffinement qui vous accompagne de l’entrée à votre départ.
Lien vers le site web du Château du Mylord
Localisation du Château du Mylord
Le menu au Château du Mylord
Le menu Les mises en bouche :- Saumon mariné, nuances de chou-fleur et tuile de pain- Lard confit, crème de butternut et jus de kalamansi- Maquereau mi-cuit, hareng fumé, mousseline d’héliantis et sauce miso Quatrième mise en bouche : « Barbajuan » à l’encre de seiche, duxelle de champignons et gel au vinaigre de Chardonnay Tartare de bar sauvage et langoustine, caviar, glace céleri-citron Meunière de sole en tronçon, brocoletti et chou romanesco, coque, beurre d’algues et émulsion beurre noisette Croustillant de ris de veau et langoustine rôtie, déclinaison de courges, jus brun de crustacés Perdreau sauvage et foie gras, chou pointu, artichaut « Moncelet » et champignon sauvage, sauce à la riche Les fromages Mirabelle, amande, miel, crème la glace
PHOTOS
D’AUTRES REPAS
19/06/2011 : https://www.passiongastronomie.be/2011/06/restaurant-le-chateau-du-mylord/
11/09/2016 : https://www.passiongastronomie.be/2016/09/restaurant-chateau-mylord-freres-thomaes/
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