Restaurant L’Horizon par Alessandro Ciriello à Chaumont-Gistoux.
Je m’étais promis, en allant au restaurant l’Horizon à Chaumont-Gistoux, de ne pas parler de l’âge du chef Alessandro Ciriello. Tout le monde s’extasie du niveau qu’il a atteint malgré son jeune âge mais je préfère faire abstraction de cette caractéristique pour me concentrer sur ce qu’il sert. Finalement qu’il ait 20 ans, 30 ans ou 60 ans (comme son papa qui cuisine avec lui), cela importe peu. Ce qui prime, c’est le plaisir qu’il arrive à communiquer, ou pas, au travers de ses assiettes.
Le restaurant l’Horizon est installé dans un quartier très calme. Une ambiance sereine règne dans la petite salle d’un peu plus de vingt couverts seulement.
Le cadre est à la fois cosy et moderne.
Seul l’éclairage est un peu faible pour bien voir son assiette (et oui, je vieillis aussi) et faire de belles photos.
L’équipe de l’Horizon
A l’Horizon, on travaille en famille. Il y a tout d’abord la maman d’Alessandro. Discrète, elle est d’une efficacité incroyable. J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi précis, actif et calme en même temps. C’est une vraie force de travail qui vaut au moins l’équivalent de deux serveuses.
En cuisine, aux côtés du chef, on retrouve son papa.
Finalement, en salle, on trouve Lény Michel un jeune maître de salle très motivé et qui a lui aussi du potentiel.
Travailler en famille a ses avantages et ses inconvénients. Cela peut créer des tensions dans les moments difficiles. Mais, en contrepartie, il y a un réel engagement et une réelle volonté de proposer ce qu’on a de meilleur pour satisfaire les clients. Cela se sent.
La philosophie du restaurant
Certains parlent de mode. J’opterais plutôt pour une tendance de fond durable. Il y a un réel intérêt de la part des clients et des chefs, à travailler des produits locaux, pour autant bien entendu que ceux-ci soient de qualité. Alessandro Ciriello est sensible à cette tendance et il la transpose donc, à son échelle, dans sa cuisine.
On ne s’étonnera donc pas que, outre les classiques pains, fromages et vins belges, le restaurant travaille un gin de Gembloux : un gin de belle facture dont la Belgique peut être fière.
La carte des vins à l’Horizon
Pour la carte des vins, l’Horizon a choisi la maison Bernard Poulet (associée depuis quelques mois avec la Maison Velu-Vins). Il leur a même confié l’exclusivité. Grand passionné de vin, j’achète chez plusieurs fournisseurs. Mais Gérard Garroy, qui fût deux fois meilleur sommelier de Belgique est un sommelier en qui j’ai une confiance presque aveugle. Je lui achète donc pas mal de vin pour ma cave personnelle, des vins que je retrouve dans cette carte.
En contre-partie de cette exclusivité, Gérard Garroy, accompagné du maître de salle Lény Michel, a élaboré une belle sélection. Tout d’abord, chose très originale, il a pris le temps de commenter chaque bouteille. C’est un travail énorme mais qui donne une plus-value remarquable pour aiguiller le client. Ensuite, l’Horizon a accès à quelques bouteilles vraiment prestigieuses comme ce très rare (et cher hélas) Puligny Montrachet 1ercru du domaine du Clos des Lambrays.
Ces belles bouteilles ne sont que la pointe visible de l’iceberg. On trouve, dans cette carte, des pages et des pages de bonnes bouteilles à prix plus doux (on démarre à environ 40 euros) et avec le classique X3 comme coefficient multiplicateur.
Les menus
L’aspect amusant, à l’Horizon, c’est qu’on mange un menu à la carte. La table doit choisir, de façon unanime, un nombre de services pour son menu. Ensuite, chaque convive est libre de choisir ce qu’il veut dans la liste des entrées, plats et desserts.
L’oeil averti remarquera que le prix du menu trois services est de 40 euros, soit trois euros de plus que ceux qui visent un BIB gourmand Michelin. On en déduit donc que ce n’est pas cette distinction là qui est visée.
Mais l’avantage, du coup, c’est que cela libère un peu de marge pour des produits plus nobles que les sempiternels maquereaux, avruga et sardines. Le chef travaille donc de la langoustine (d’un bon calibre) et met un peu de caviar ou de la truffe ici et là.
Le chef et sa cuisine
Alessandro Ciriello s’est fait remarquer très vite après son ouverture. Dans son guide 2018, il avait d’ailleurs été élu découverte de l’année. Et sur le guide 2019, Gault & Millau lui décernait un beau 14,5/20.
Cette note de 14,5/20 est souvent une note de transition. Vous avez quitté les notes d’entrée de gamme (12/20 – 13/20) et vous êtes en partance vers les notes plus haut de gamme (16/20 et plus, ce qui correspond en général plus ou moins au niveau étoilé).
C’est probablement dans cette phase de transition, entre 12/20 et 16/20, que se situe Alessandro, son papa, sa maman et son équipe. Je parle de phase de transition car, même si le niveau est déjà bon, tout n’est pas encore parfait. Ce qui manque un peu, à l’Horizon, c’est la température de service, en particulier sur le lieu noir. Avoir une bonne cuisson, pas trop poussée sur le poisson, est un critère essentiel. Mais, au-delà de la bonne cuisson, il faut aussi que le plat soit servi le plus chaud possible. Quand la tiédeur est au rendez-vous, c’est qu’on n’y est pas encore. Mais je pense en deviner la cause. Il n’y a pas, en cuisine, de brigade : il y a juste Alessandro et son papa. Alessandro est minutieux et précis et il aime que ses dressages soient esthétiques (ce qu’il réussit bien comme en témoigne la photo). Cela lui prend donc du temps…un peu trop peut-être.
C’est vrai que je suis sensible à la température des produits. Mais, à la décharge d’Alessandro, j’ai déjà fait la même remarque dans plusieurs restaurants étoilés disposant pourtant, eux, d’une brigade conséquente en cuisine.
L’originalité des compositions
Au niveau des compositions, l’Horizon aime travailler un peu à contre-tendance. Le sucre, personne n’en veut plus. En vin, les ventes de Sauternes et autres liquoreux s’effondrent. Dans les meilleurs restaurants, tout comme dans les émissions culinaires télévisées, on ne parle plus que de couper les doses de sucre, en ce compris dans les desserts. C’est une mode très présente et une mode qui correspond en plus à mes goûts personnels.
Alessandro a choisi lui de travailler le sucre. Mais il va le travailler de façon très discrète et parfaitement dosée. On en retrouvera donc dans un vinaigre très doux qu’il utilise pour accompagner le foie gras poêlé. Innovant sur la forme, l’accord de fond entre le gras du foie, le sucre et l’acidité du vinaigre est parfait.
On retrouvera aussi du sucre, de façon inattendue mais bien réussie, dans le chocolat blanc qui accompagne l’agneau de lait de Corrèze, panais, enoki, céleri et jus perlé (plat dont j’ai oublié la photo mais que j’ai goûté et qui était très bon).
Sans doute qu’une partie du secret réside dans la maîtrise, acquise notamment pendant ses classes chez Hof Van Cleve, de l’acidité pour que le sucre ne se ressente pas trop. C’est d’ailleurs aussi la clé du succès d’un grand Sauternes. Le chef aime donc cette acidité qu’il n’hésite pas à utiliser en râpant de la main de bouddha en salle sur le plat de langoustine.
Cette langoustine de HOFN, jus concentré à l’haricot rouge, céleri confit, persil tubéreux est une composition intéressante. Peu de chefs utilisent l’haricot rouge pour en faire un jus. Et encore moins de chefs oseraient le servir avec une délicate langoustine. C’est un accord très dépaysant qui fonctionne bien et assaisonne très bien une langoustine parfaitement cuite.
Le dessert
En guise de dessert, le client a le choix. Le premier choix est une assiette de fromages servie à l’aveugle. C’est la première fois qu’on me parle de cela au restaurant : déguster à l’aveugle. Mais, finalement, c’est très intéressant car retrouver le fromage n’est pas si facile que cela et déguster à l’aveugle force vraiment à se concentrer sur les saveurs et les arômes. Ce que je recommande sans cesse pour les vins s’applique donc logiquement aux ingrédients solides aussi.
Le second choix de dessert peut se faire parmi deux propositions classiques. En particulier la barre chocolatée SNICKERS destructurée, caramel beurre salé, nougat, chocolat Guanaja s’avère tout aussi bonne que belle avec, j’aime le souligner, une belle gestion ici aussi du sucre.
Le chef de l’horizon
Le monde de la gastronomie est un monde difficile et certains égos sont parfois démesurés. C’est valable d’ailleurs tout autant dans les cuisines que chez les influenceurs, blogueurs et journalistes. Mais ce n’est pas le cas à l’Horizon. J’ai rarement vu un chef aussi à l’écoute de ses clients. Il passe d’ailleurs très souvent en salle et pas que pour les tables de ceux qui écriront éventuellement un article sur lui.
Je pense qu’Alessandro a déjà compris une chose essentielle et trop souvent négligée : bien faire est la première étape. Le faire savoir est la seconde. En passant aux tables et en expliquant ce qu’il a fait et pourquoi il l’a fait, le chef met en appétit. Ce n’est pas vraiment un conditionnement du client mais c’est plutôt attirer l’attention du client sur les points forts du plat ou sur ses particularités. Cela devrait sauter aux papilles me direz-vous ? C’est vrai ! Mais parfois on peut passer complètement à côté d’un plat juste parce qu’on ne l’a pas compris. Une explication aurait, alors, peut-être changé la perception.
Le chef profite aussi de ses passages pour échanger autour de sa passion. Cela lui permet aussi de désamorcer quelques situations difficiles comme tout restaurant en connaît parfois. On ne peut pas plaire à tout le monde mais, dans ces cas là, l’important est la façon de la gérer. Et à ce niveau Alessandro fait preuve d’une grande empathie et d’une grande maturité, ce que j’ai constaté à la table à côté.
Conclusions
L’Horizon est un restaurant en pleine envolée. La créativité et la maîtrise technique sont déjà là. Je serais curieux de voir ce que ce chef ferait avec une brigade et un budget plus conséquents pour ces menus. Si on lui donnait dix cuisiniers et 160 euros pour six services (comme chez la plupart des deux étoiles bruxellois), qu’enverrait-il alors en se battant à armes égales ? Pour l’instant je l’ignore. Mais, dans quelques années, qui sait si je n’aurai alors pas ma réponse ? C’est en tout cas tout le mal que je lui souhaite car cette famille (an sens large pour englober Lény) bosse et elle bosse bien !
Lien vers le site web de l’Horizon
http://www.restaurantlhorizon.be
Menu à l’Horizon
Premières mises en bouche :
– Moule-frite revisitée
– Origami à la chair de crabe, jus persil, caviar
– Crème de boudin noir, pomme, spéculoos, truite fumée
– Velouté de butternut, espuma de truffes noires
Secondes mises en bouche :
– Foie gras poêlé au vinaigre doux, céleri-rave, grenade et anguille fumée
– Tartare de carabineros, petits pois, chèvre de Chamount-Gistoux, vinaigrette à la vanille
Langoustine de HOFN, jus concentré à l’haricot rouge, céleri confit, persil tubéreux, main de bouddha
Pacherri di Gragnano AOP, chair de canard confite, jus serré, vieux parmesan, truffe mélanosporum.
Lieu noir rôti, persil, lait d’amande infuse à l’anguille fumée, bergamote, asperges, katsobushi
La barre chocolatée SNICKERS destructurée, caramel beurre salé, nougat, chocolat Guanaja
Quelques mignardises
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