Restaurant Couvert Couvert à Leuven (Louvain).
De l’extérieur Couvert Couvert n’est pas particulièrement attractif. Perdu dans un quartier calme, ce cube en briques rouges passe quasiment inaperçu. On ne rentre pas chez Couvert Couvert par hasard mais on s’y rend plus que probablement car on en a entendu parler via les guides ou, mieux encore, via un ami gastronome.
Le cadre du restaurant.
A l’intérieur, le restaurant est de suite plus attirant, limite sexy. Très épuré et minimaliste, on y apprécie la simplicité et l’esprit zen. En particulier, le dressage de la table donne l’impression d’avoir été fait au millimètre près, à la manière japonaise.
L’amour du produit chez Couvert Couvert.
Dès l’arrivée, un bon signe était au rendez-vous : la camionnette d’un fournisseur de produits de qualité à savoir Paris Brussels Gastronomy.
Ce premier bon signe était ensuite confirmé dans les assiettes. Couvert Couvert aime les belles choses et leurs plats font donc la part belle aux beaux produits comme ce cochon de race mangalica (une race réputée élevée avec patience et de manière naturelle) qui développe un gras naturel de haute qualité et que le restaurant a cuit sur l’os pendant de longues heures. La chaire est fondante et légère et le gras subtil et raffiné.
Un autre produit de qualité particulièrement intéressant est le lieu jaune Ikejime. Comme l’explique Wikipedia, et Laurent Folmer en salle, Ikejime est une technique d’abattage du poisson consistant à neutraliser le système nerveux de l’animal vivant avant de le saigner. Cette pratique ancestrale, d’origine japonaise, a pour effet de réduire le stress et la douleur du poisson. Ses muscles ne sont pas aussi contractés, sa chair se conserve mieux et ses qualités gustatives sont supérieures, par rapport à la manière habituelle, par asphyxie.
Le prix d’achat est supérieur (environ 25%) mais la surqualité associée mérite l’investissement. Ikejime, ce n’est pas un show pour quelques snobs en manque de sujets de discussion pour leur dîner mondain. Il y a une réelle plus-value gustative : le poisson est plus fin en goût et la chaire est moins ferme. D’autres chefs étoilés aiment également ce produit comme Benoît Neusy du Château d’Arondeau.
Le duo Folmer : Laurent en salle et Vincent en cuisine.
Le restaurant Couvert Couvert est tenu par deux frères : Laurent et Vincent Folmer. Deux français, passés par de belles maisons comme Fauchon et Marc Meneau, se sont donc perdus en Flandres. On appréciera d’autant plus le trait d’humour de Laurent Folmer qui, nous entendant parler français, nous laissa le choix de la langue et conclut par : « C’est bien pour vous faire plaisir que nous échangerons donc en français ». Au-delà de cela, je l’ai entendu parler dans un néerlandais impeccable à ses clients flamands. Au lieu de se réfugier derrière l’excuse « je suis français et donc je ne parle pas néerlandais », Laurent a fait l’effort de l’apprentissage de la langue de sa région d’adoption.
La carte des boissons chez Couvert Couvert.
J’ai l’habitude d’intituler ce paragraphe « La carte des vins ». Pour une fois, je lui préfère le titre de « carte des boissons » car il est plus représentatif.
La partie relative aux vins est correcte : il y a du choix et les prix sont habituels pour un restaurant étoilé (entre X2 et X4 selon les bouteilles). Elle manque toutefois d’un peu de recul sur les millésimes proposés ce qui provient peut-être d’un manque de passion pour le vin de la part des deux frères.
Par contre, elle propose quelques grands vins au verre très sympas et plus prêts à boire. Le prix s’en ressent un peu : 28 euros le verre de David Duband, une bouteille côtée 46 euros sur idealwine, cela donne X4,26 si on compte sept verres à la bouteille. Cela permet toutefois de se faire plaisir sur un plus grand vin sans trop de risque (si on aime pas, on passe à autre chose). Et le système Coravin, qui permet une conservation optimale une fois la bouteille entamée, justifie aussi un peu le surcoût (à noter : une faute de frappe dans le terme Pessac-Leognon).
Quelques bouteilles de vin intéressantes.
La carte propose quelques pioches intéressantes comme cet Egon Muller Allemand, un vigneron que certains décrivent comme le meilleur producteur de Riesling allemand. Avec sa faible teneur en alcool (9,5%) et son petit sucre résiduel (si caractéristique chez Egon Muller), c’est un vin qui s’est marié magnifiquement avec l’anguille fumée, ravioles de foie gras, pickles de céleri.
D’autres producteurs de talent sont également possibles : Vincent Pinard à Sancerre (mon chouchou de la région même si je lui préfère une cuvée comme Chêne Marchand plutôt que l’entrée de gamme Florès), Duband en Bourgogne (3* à la RVF) ou Belluard, un des trois meilleurs vignerons de Savoie.
Mais au-delà de cette section vins, le reste de la carte se révèle particulièrement intéressant. Il y a tout d’abord une belle proposition de bières, ce qui est juste parfait pour accompagner les fromages. Une vieille Rodenbach ou une Kriek locale apportent en effet une amertume qui se marie bien avec beaucoup de fromages. C’est d’ailleurs amusant de constater que ce sont des français qui mettent en valeur la bière, produit dont les belges sont si fiers (parfois pas toujours à juste titre d’ailleurs).
Le plateau de fromages est d’ailleurs particulièrement bien achanlandé, aussi bien en terme de quantité qu’en terme de qualité. On y trouve du brie truffé maison (et, pour l’avoir goûté, je peux vous dire qu’on y sent le goût de la vraie belle mélanosporum et pas celui de l’huile de truffe bas de gamme), du stilton, du vieux comté 40 mois,….. Laurent Folmer est intarissable sur ses fromages. Je pense qu’il est fier de les proposer et je pense aussi qu’il a bien raison.
La carte des alcools
Il y a ensuite, et c’est une véritable marque de fabrique de Couvert Couvert, une énorme carte d’alcools. On sent que la passion des frères Folmer réside bel et bien ici et que cette passion les a amené à développer un choix énorme. Je conseille plus que fortement de garder un peu de place pour un petit verre en fin de repas. Il y en a pour tous les goûts (Rhum, Whisky, Madeire, Jerez, Porto,…) et pour tous les prix (de 8 euros à plus de 100 euros le verre).
Nous, en tout cas, on a littéralement craqué sur le milieu de gamme et je recommande particulièrement le Madeire Sercial 1978 à 20 euros le verre.
Calvados Le Père Jules 40 ans d’âge
Whisky Coal Ila 32 ans d’âge
La cuisine de Couvert Couvert
La cuisine des Folmer résume assez bien la conception que je me fais d’une cuisine moderne de haut vol. J’y aime beaucoup l’aspect zen et minimaliste et j’adore l’acidité sous-jacente des assiettes. L’acidité n’est pas la saveur préférée de la plupart des personnes mais une acidité maîtrisée, comme chez Couvert Couvert, permet d’apporter une explosivité dans les plats. Les frères Folmer maîtrisent aussi l’art de diversifier la source de cette acidité : du yuzu, du lacto-fermenté, une vinaigrette,….. On a donc une trame à base acide mais, de part la diversité, on ne s’en lasse pas.
La cuisine moderne se doit aussi, à mon sens, de respecter l’héritage. Ce n’est pas parce qu’on est moderne qu’on doit tout réinventer en faisant table rase du passé. Les frères Folmer l’ont bien compris et on ressent ce respect dans leur cuisine. Pour l’illustrer, je pense notamment à cette bonne sauce hollandaise servie avec le lieu jaune ikejime, crevettes grises (épluchées maison) et choux de Bruxelles.
Un autre exemple de ce respect de la tradition se trouve dans le plat principal : Cochon, chou-fleur à la diable, griottes avec un excellent jus de viande.
Mais surtout, il y a cette petite assiette servie en même temps et composée de boudin noir et compote. Du boudin compote dans un étoilé ? Et oui, Couvert Couvert le fait et ils le font d’une bien belle manière, mixant modernise et tradition.
Enfin, la cuisine de Couvert Couvert ne tombe pas dans l’écueil de la sur-modernité. Il y a un jeu sur les textures des produits mais ce n’est pas le but principal. On ne fait pas de la texture pour de la texture car la déstructuration n’est pas un but en soi (je n’en dirais pas autant de grands chef espagnols).
Finalement, il n’y a guère que le pickles de céleri, trop dominant dans le plat d’anguille fumée et ravioles de foie gras, qui m’a dérangé. C’est le seul endroit où l’équilibre ne me semblait pas au rendez-vous et où je me suis dit que sans céleri ce serait bien meilleur.
Couvert Couvert sait également conclure le spectacle. En dessert, le chocolat, café, blé noir se montre particulièrement rafraichissant avec une sucrosité réduite à son plus strict essentiel. C’est osé, goûtu et interpellant et c’est très cohérent avec le reste de la cuisine.
Conclusions
La cuisine des frères Folmer est une belle cuisine zen, moderne, affinée et affutée. Les plats s’enchaînent de bien belle manière avec une gradation structurée et des produits de qualité parfaitement cuisinés.
La carte des boissons est exceptionnelle sur les alcools. Un dernier petit verre pour la route me semble incontournable. Y retourner sera un plaisir.
Lien vers le site web De Couvert Couvert
Menu chez Couvert Couvert
Première petite mise en bouche
Mises en bouche :
– Maquereau, topinambour et vinaigrette Dashi
– Gaufre à la crème de yaourt, fumé, oeuf de harent
– Tarte à base de tarama
Noix de Saint-Jacques, betteraves, gingembre, algues
Huitres, concombre, raifort
Anguille fumée, ravioles de foie gras, pickles de céleri
Lieu jaune, crevettes grises, piment, sauce hollandaise
Cochon, chou-fleurs à la diable, griottes
Boudin noir, compote (en accompagnement du plat de cochon)
Les fromages
Mangue, chocolat blanc, pamplemousse
Chocolat, café, blé noir
Mignardises
Localisation de Couvert Couvert
Quelques photos chez Couvert Couvert
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