Alain Bianchin, le phoenix
Le Phoenix est le surnom que j’ai donné à Alain Bianchin. A l’origine, il y avait le pari réussi de faire renaître la Villa Lorraine de ses cendres, une renaissance concrétisée par la récupération d’une étoile Michelin sous l’impulsion conjuguée de son talent et des investissements de Serge Litvine. Et puis, redémarrant de zéro aux commandes de son restaurant, Alain Bianchin avait réussi à nouveau l’exploit : au guide 2016, Michelin lui décernait encore une étoile pour son restaurant.
Alain Bianchin et les huîtres d’exception
Chez Alain Bianchin, il y a un produit qu’il maîtrise particulièrement bien : l’huître. On touche d’ailleurs l’excellence.
J’avais déjà dégusté, lors d’un repas précédent, les huîtres Princesses De Setubal fumées minute, nori, vinaigrette iodée, lentilles de Norcia, céleri-vert. Une huître merveilleuse : charnue, délicate en goût, pas laiteuse et finement iodée. La cuisson de l’huître est très précise : au début, l’huître cuit et prend doucement du volume (puisque le chef la travaille vivante) et la cuisson est arrêtée juste avant que l’huître ne s’effondre sur elle-même. Car une fois retombée, sa texture est moins intéressante. Une vinaigrette bien dosée, un goût fumé et c’est le coup de coeur.
Lors de ce repas, l’huître fumée et très légèrement cuite était à nouveau de la partie. Mais cette fois elle était enveloppée dans du bar de ligne et mise en avant avec du caviar Dauricus. Les accompagnements, à savoir tapenade (nori, soja, algues), chicon et crème fumée parachevaient l’oeuvre. Alain Bianchin signe ici un plat à la fois intellectuel et gourmand. C’est, à mon sens, le plus beau plat du menu.
Alain Bianchin et la langoustine royale
La langoustine royale est la Rolls-Royce des langoustines. D’un calibre exceptionnel (trois pièces au kilo), elle se vend d’ailleurs à un prix de fou.
Alain Bianchin, en amoureux des beaux produits, a choisi ici de les cuire sur une pierre de l’Himalaya (la grande pierre blanche au centre du plat).
Un jus de crustacés est ensuite versé sur les pierres chaudes.
Finalement une cloche est déposée sur le plat pour conserver cette vapeur et finir la cuisson.
La langoustine est ensuite servie très simplement, comme il le faut d’ailleurs pour respecter la finesse d’un produit si délicat, avec une nougatine de sésame noir, pâte de noisette et fenouil, balsamique, huile de noisette du Piémont et agastache anisée.
Le spectacle était au rendez-vous….et pas qu’au niveau des yeux. Quand le produit, les assaisonnements et la cuissons se conjuguent à une créativité maîtrisée, le plat ne peut être que grand !
What next Alain Bianchin ?
Alain Bianchin a servi jusqu’à présent du caviar, des huîtres et de la langoustine royale. C’est un démarrage en trombe et on fait difficilement mieux en la matière ! Mais ensuite on fait quoi chef ? Et bien c’est simple : on continue l’ascension avec de la truffe blanche d’Alba et une belle Saint-Jacques
Je me souviens à nouveau d’un repas précédent lui aussi autour de la truffe blanche et de la Saint-Jacques. La Saint-Jacques était de dimension impressionnante et la texture était magnifiquement dense. Pour la cuisson, tout le monde sait que l’idéal est d’avoir une Saint-Jacques saisie avec une chair nacrée à coeur. Mais le top du top, c’est lorsque la Saint-Jacques n’est saisie que sur deux millimètres. Pour réussir cet exploit, le chef tempère ses Saint-Jacques une petite heure avant la cuisson et les imbibe d’huile. La Saint-Jacques est ensuite snackée rapidement, elle élimine son eau de végétation et termine doucement sa cuisson de par sa propre température au four.
Quand on suit un chef depuis plusieurs années et qu’on vient manger plus ou moins au même moment de l’année, on peut alors découvrir les variations et les créations du chef autour des mêmes produits (de saison). Alain Bianchin est un créatif. Il ne se limite pas à reproduire, avec quelques ajustements, les mêmes recettes d’années en années. Il a plutôt, au contraire, une approche évolutive.
Cette fois, Alain Bianchin avait choisi de travailler la Saint-Jacques dans une raviole de céleri-rave, pied de porc, émulsion de jus de céleri concentré et vin jaune.
La truffe blanche, de la belle et grosse truffe en provenance d’Alba, était elle-aussi de la partie.
L’ensemble est une merveille d’équilibre. La truffe blanche et le céleri est une association forte. On ne se limite pas à penser que que cela fonctionne. Non, on se surprend à se dire que ces deux produits sont nés pour être ensemble. Alain Bianchin arrive aussi à concentrer les saveurs. Chaque bouchée est un plaisir car la finale est longue et charnue. C’est un sentiment de plénitude qui domine à la dégustation.
Alain Bianchin là où on ne l’attend pas
On avait atteint le sommet et on avait dégusté déjà les plus beaux produits du moment. Impossible d’aller plus haut à ce stade. C’est donc ici qu’on attendait Alain Bianchin et qu’on se demandait ce qu’il allait pouvoir faire.
De l’aubergine et du boeuf fumé, ça tente quelqu’un ? Oui, vraiment ? Et pourtant, l’aubergine confite à l’huile aromatisée, laquée au saté, pâte de cacahuètes, sésame, menthe et Holstein maturé 29 jours était le second plus beau plat du menu. Il y a deux points forts très marquants dans ce plat.
Le premier est la texture de l’aubergine, une texture proche du caviar mais un rien plus consistante. Le seconde, c’est le laquage qui vient donner toutes les dimensions gustatives au produit. C’est un plat fort, engagé et sapide. Finalement, Alain Bianchin remporte son pari et c’est un plat parfait pour faire la transition entre les entrées de poissons/crustacés et le plat principal de viande.
La carte des vins
La carte des vins s’est un peu raccourcie, passant maintenant à 13 pages (contre une vingtaine avant).
On trouve de tout, entre 50 euros et 1615 euros (pour un Mouton Rothschild 2009) et c’est une bonne sélection qui met d’autres pays que la France à l’honneur.
Qui dit grande cuisine, dit petite folie à faire pour boire un vin du même niveau. Pour accompagner le bar, les huîtres et le caviar, rien de mieux finalement qu’un beau champagne très élégant et raffiné :
Les prix pratiqués tournent un peu au dessus autour du X3 classique, en ce compris pour les plus grandes bouteilles..
Conclusions
Les meilleurs restaurants du pays se distinguent en général des autres par la qualité des produits, la justesse des cuissons et la précision des assaisonnements. Et puis, parmi cette élite, les meilleurs des meilleurs se distinguent encore par l’identité culinaire qu’ils impriment dans leur cuisine et par l’aspect plus intellectuel qu’ils y injectent.
Alain Bianchin, le phoenix, fait partie de cette dernière catégorie. Il apporte cette dimension en plus. Sa cuisine est unique mais surtout sa cuisine est pensée et réfléchie. On quitte le domaine purement gustatif pour entrer dans le domaine artistique. Le goût n’est donc plus l’unique sens qui est titillé. Les assiettes d’Alain Bianchin sont multi-sensorielles. Elles forcent à la réflexion, interpellent et parfois même bousculent dans les certitudes que l’on peut avoir.
La cuisine d’Alain Bianchin me plait et me touche car elle m’envoie des étoiles dans les yeux (étoiles au pluriel, comprenne qui pourra). Elle est aussi en constante évolution. Le Phoenix ne semble pas encore avoir atteint son apogée. Depuis peu, des inspirations asiatiques ont débarqués dans la cuisine. Mais le chef ne se limite pas, bien entendu, à ajouter un peu de soja, gingembre, citronnelle et coco. Il y a une réelle réflexion de fond. J’ai même l’impression que cela a ouvert un nouveau monde plein de possibilités à Alain Bianchin et que ce qu’il en fait le rend encore plus unique.
Je pourrais encore parler longuement mais, à un moment donné, les mots s’avèrent vains : il faut y aller et il faut goûter ! Alain Bianchin, le phoenix, incarne l’excellence. Cette adresse s’inscrit donc parmi mes favoris.
Lien vers le site web du restaurant Alain Bianchin
Localisation du restaurant Alain Bianchin
Menu
Première mise en bouche : Madeleine à l’olive de Kalamata, crème citron de kalamansi,
Seconde mise en bouche : Coque, couteaux, oursin, salicoque, amande
Troisième mise en bouche : Royale de foie gras/parmesan/vieux porto
Bar de ligne, huître fumée, caviar Dauricus, tapenade (nori, soja, algues), chicon, crème fumée
Cuisson sur pierre de l’Himalaya
Langoustine royale, nougatine de sésame noir, pâte de noisette et fenouil, balsamique, huile de noisette du Piémont, agastache anisée
Raviole de céleri-rave, pied de porc, Saint-Jacques, émulsion de jus de céleri concentré, vin jaune, muscade
La raviole avec la truffe blanche
Aubergine confite à l’huile aromatisée, laquée au saté, pâte de cacahuètes, sésame, menthe, Holstein maturé 29 jours
Canard sauvage farçi au boudin noir, sauce à la bière, jus de volaille, navet, petite pomme du jardin, mousseline de pommes gala
Ris de veau, salsifis, topinambour, sauce café-verjus-chartreuse
Kiwi, miso, espuma sésame, biscuit misérable thé matcha
Dessert
Photos
D’autres repas
17/05/2017: https://www.passiongastronomie.be/2017/05/restaurant-alainbianchin-overijse/
10/12/2016: https://www.passiongastronomie.be/2016/12/restaurant-alain-bianchin-overijse/
29/11/2015: https://www.passiongastronomie.be/2015/11/alain-bianchin-3/
04/06/2015: https://www.passiongastronomie.be/2015/06/alain-bianchin-2/