Attention
Cet article relate une expérience au sein de la menuiserie du temps du couple March Portois et Thomas Troupin. Le chef, Thomas Troupin, est entre temps parti ouvrir son restaurant Toma à Liège.
Restaurant La Menuiserie à Waimes (Marcha Portois & Thomas Troupin).
Champagne, un doux mot qui fait penser au vin et à ses bulles. Pourtant, c’est aussi le nom d’une commune de Waimes qui est mise en lumière par la présence, sur son sol, du restaurant La Menuiserie, la référence sans contexte de la gastronomie du coin : une étoile Michelin et 16/20 au Gault & Millau entre autre.
La Menuiserie : un couple et une histoire de famille
La Menuiserie est tout d’abord une affaire de couple. Elle, Marie-Charlotte (surnommée Marcha) Portois, en salle et lui, Thomas Troupin, chef en cuisine. C’est aussi une histoire de famille car le bâtiment, rénové pendant sept ans (et qui, selon l’expression des propriétaires, « ne sera jamais rentable ») abritait auparavant la menuiserie du grand-père de Marcha.
Le changement est radical. A l’étage, on trouve une grande salle spacieuse au centre de laquelle trône une magnifique table en bois
Juste derrière cette pièce, une terrasse permet de prendre l’apéritif au soleil.
En cas de pluie, un plan B est possible au rez-de-chaussée.
Les tables sont joliment dressées avec de belles nappes (ce qui se fait de plus en plus rare mais qu’on apprécie toujours). La salle est confortable, chaleureuse et spacieuse.
A La Menuiserie, on aime s’amuser
La Menuiserie est un restaurant haut de gamme. Mais c’est aussi un restaurant où on ne veut pas trop se prendre au sérieux. Le hashtag #Musicinthekitchen en est la preuve.
Une salve envoyée par Thomas Troupin et Marcha Portois de La menuiserie :
La réponse de Gianni Caruso vaut tout autant la peine:
Gianni Caruso semble l’emporter. En terme de vue YouTube, c’est toutefois La Menuiserie qui gagne.
La carte des vins à La Menuiserie
Il n’y a pas de sommelier à La Menuiserie et c’est Marcha qui gère donc les flacons. La carte est à son image : l’opposé du consensuel et un amour prononcé pour le bio-nature. Mais pas que. Les traditionalistes oenophiles trouveront eux aussi de quoi faire.
C’est aussi une carte éclectique où le haut de gamme (Savart et Selosse pour prendre deux exemples sur les bulles) côtoie des bouteilles plus abordables. Le coefficient multiplicateur (rapport prix final – prix achat au domaine ou chez un caviste sérieux), tourne autour du X3 (classique donc) et un peu moins pour les grandes bouteilles.
Au niveau des champagnes, impossible de faire l’impasse sur deux grands producteurs : Savart et Selosse. Chacun a son style mais la touche « oxydative » de chez Selosse marque la différence. Ce sont deux grands champagnes, denses et vineux. Des vrais champagnes de gastronomie qui combinent matière et densité avec une belle fraîcheur et un faible dosage.
Les goûts vins de Marcha à La Menuiserie
Nous avons donc pioché, lors de ce repas, des bouteilles qu’on avait vraiment envie de boire et qu’on trouve peu souvent dans les cartes des vins.
Mais, vient un moment, où on se dit qu’on va peut-être laisser Marcha nous faire découvrir son univers vinitcole et où on lui demande de choisir, pour nous et selon ses goûts, deux bouteilles. Elle n’a pas hésité longtemps tellement la cuvée 3.14 (PI) de chez Foillard s’imposait pour elle. C’est, en effet, un vin qu’elle pourrait même prendre, selon ses termes, en intraveineuse.
Qu’on ne s’y trompe pas avec cette cuvée. Ce n’est pas un beaujolais nouveau. Morgon est, pour commencer, un grand cru du beaujolais. Ensuite il s’agit ici d’une grand cuvée d’un grand producteur. Le vin est dense et riche avec des arômes de fruits noirs. Servi à l’aveugle, j’ai d’ailleurs un peu hésité avec un languedoc élevé en altitude. Mais l’absence de tannins et la présence des marqueurs de la macération carbonique n’ont ensuite plus laissé planer de doute : c’était probablement un vin du Beaujolais mais dans une très belle cuvée atypique,
Pour le dessert, Marcha nous a choisi à nouveau un gamay, pétillant cette fois. Avec les fraises du dessert, ce vin pétillant et un peu sucré est un mariage qui fonctionne bien. C’est un mariage qu’on rencontre d’ailleurs de plus en plus dans les restaurants.
La philosophie de La Menuiserie
Sur leur site web, La Menuiserie écrit : « Notre démarche n’est pas une mode mais belle et bien l’envie de vous faire découvrir notre région par le biais d’hommes et de femmes qui, ensemble, font de notre patrimoine toute sa diversité et sa richesse. ».
J’aime bien cette phrase car, relativement souvent, j’ai l’impression que des jeunes chefs font des choses parce que c’est la mode. Le but est de surfer sur la tendance : on fait du moléculaire, on passe aux « légumes de mon jardin » et on repart vers une cuisine à la Quique Dacosta. Mais, ici, il semble y avoir une vraie démarche, réfléchie et pondérée, et de vrais actes qui vont avec.
En tous cas, je ne pense pas avoir rencontré un restaurant où les producteurs sont mis autant en avant. A chaque plat, on explique d’où viennent les produits et pourquoi on les a choisi. On est donc bien au-delà de la démarche marketing.
Le style culinaire de La Menuiserie
On a aussi le sentiment que le plat est pensé autour du produit. Par exemple, le chef a trouvé une viande exceptionnelle du producteur Lothar à Murrïngen. Il faut bien évidemment l’accompagner car la servir sans sauce serait étrange (surtout dans le coin où ils sont « élevés aux cochons »). Comme il n’y a pas assez d’os et aussi, à mon avis, parce que le chef pousse au maximum sa philosophie du « local », une sauce végétale a été créée.
Je suis admiratif de cette sauce car, si on n’y fait pas attention, on jurerait un jus de viande. Ce n’est que, en y prenant plus attention, qu’on constate une légère amertume, très intéressante d’ailleurs, en finale. Cette sauce a été en fait réalisée à base d’aubépines torréfiées et de chardons et ne contient rien d’animal. C’est une belle réussite qui allie plaisir et innovation, sans avoir à user des traditionnels effets de manches du genre sauce soja.
La viande est, comme attendu remarquablement goûteuse. Le chef lui a également conféré un petit goût fumé. Cela m’a d’ailleurs amené à penser qu’un vieil hermitage (Chave 1995 ou Faurie 1999 par exemple) ferait un accord grandiose. Marcha avait l’air très dubitative, longuement dubitative d’ailleurs, mais aujourd’hui encore j’en reste convaincu.
Enfin, pour finaliser le plat, la terre est symbolisée par un crumble déposé par dessus.
Ce plat est probablement le plus représentatif de la cuisine de La Menuiserie. Il a une réelle originalité, une exécution parfaite et est le fruit d’un raisonnement cohérent. Bref, il a tous les marqueurs d’un plat signature.
Le style culinaire de La Menuiserie
Une autre particularité de La Menuiserie, c’est qu’on aime la viande et qu’on le revendique. En général dans un menu gastronomique six services, on retrouve trois entrées de poissons/fruits de mer et puis un plat principal à base de viande. A La Menuiserie, il y a deux plats de viande. Ils n’oublient pas leurs origines et le fait qu’ils ont été élevés au cochon.
La Menuiserie proposait donc un beau plat très gourmand : la croûte de cochon d’Adrien et Gwenaelle à Longfaye, cuit en pâte feuilletée, confit de cochon, bettes, jus réduit au lierre terrestre
Par contre, et cela sera une des rares remarques négatives que je ferai sur les plats, la sauce de ce plat ne m’a pas convaincue : trop réduite, trop dense et manquant donc de légèreté et de finesse.
De la viande, de la viande…mais pas que
Champagne est une région de carnassiers mais le poisson ne fait pas que de la figuration à La Menuiserie. Je dirais même plus, le chef de La Menuiserie m’a grandement étonné là où je ne l’attendais pas avec une première entrée splendide : l’Aiglefin « North Sea Chefs », Fumé et juste tiédi, consommé aux aromates du jardin, crème aigre
Quelle belle idée et surtout quelle belle réalisation ! Un bouquet d’herbes, qu’on ne doit pas forcément manger, est placé dans l’assiette et un bouillon est versé par dessus pour infuser le plat. Hysope, agastache et sarriette délivrent alors leurs saveurs au fil des minutes, ce qui fait que le goût évolue sans cesse. On a donc cette impression de nouveauté à chaque bouchée qui a, de ce fait, une saveur unique.
C’est un plat vraiment magnifique car, l’aiglefin est de qualité et surtout cuit avec précaution et minutie. Les assaisonnements sont percutants, comme sur tous les plats d’ailleurs, ce qui est donc un signe de constance et de maîtrise.
Une assiette aussi belle que bonne
Ensuite, le chef avait choisi de travailler le homard bleu Breton juste snacké et une béarnaise au beurre de homard et jus lacto-fermenté. Pour la décoration, des oeillets avaient été ajoutés par dessus.
Il y a eu débat sur ce plat. Tout le monde était unanime sur le homard et sa belle cuisson. Et tout le monde était unanime sur la qualité de cette béarnaise à la finale acidulée par le jus facto-fermenté. Là où la discussion se portait, c’était sur l’association des deux.
Certains pensaient que la béarnaise prenait le dessus sur le homard si délicat. C’est un peu vrai….mais c’est surtout souvent le cas car le homard devrait quasiment se manger seul pour en percevoir toutes les finesses gustatives. Du coup, je me suis vraiment régalé à manger le homard seul et à manger, sur un toast, cette délicieuse béarnaise. Et, pour terminer, j’ai mangé les deux ensemble. Tout fonctionnait très bien finalement et ce plat est réussi.
Pour terminer sur La Menuiserie
La Menuiserie est donc un restaurant haut de gamme, avec une vraie philosophie et une belle exécution de celle-ci dans l’assiette. Il y a une réelle identité dans les plats et une réelle originalité. Le chef fait preuve d’audace mais son audace est parfaitement maîtrisée.
En salle, Marcha, apporte sa fantaisie, sa bonne humeur et son franc-parler.
La carte des vins permet à chacun de s’y retrouver.
A la fin du repas, la dernière touche se cueille autour de soi. Ce n’est pas un fruit défendu et il faut le chercher : ce sont des noisettes caramélisées enrobées de ras El-Hanout qui sont suspendues à l’arbre. La Menuiserie termine donc sur une note originale qui la définit si bien
Menu Quercus
Premières mises en bouche
Troisième mise en bouche : bouquet végétal (oseille, camomille, coquelicot, pimprenelle) à tremper dans un lacto-sérum
Quatrième mise en bouche Coque façon Ardennaise
Cinquième mise en bouche : accra de poisson, mayonnaise au ras el-hanout
Sixième mise en bouche : oeuf à 63°, émulsion aux lardons, oignons crus
L’Aiglefin « North Sea Chefs », Fumé et juste tiédi, consommé aux aromates du jardin, crème aigre
Le Homard bleu Breton d’Erquy : La queue rôtie, comme une béarnaise au corail et fleurs de sauge, asperges lacto
La croûte de cochon d’Adrien et Gwenaelle à Longfaye : Cuit en pâte feuilletée, confit de cochon, bettes, jus réduit au lierre terrestre
« De la Terre aux vaches de Lothar à Murrïngen »
Avec les doigts : Galette au chocolat et sorbet aux fleurs de sureau
Les Fraises de Slins : Salade de fraises au sucre, croustillant de pain, crème au beurre, crème glacée