Restaurant Quadras à Saint-Vith par Ricarda Grommes et Kevin Ohles

Restaurant Quadras à Saint-Vith par Ricarda Grommes.

174 km, c’est la distance qui sépare mon domicile du restaurant Quadras à Saint-Vith (dans les cantons germanophones).

Inutile de préciser que, si je fais un tel déplacement un jour de semaine au soir, c’est que je suis très motivé.

Mais qui ne le serait pas vis-à-vis d’une jeune cheffe trentenaire qui a décroché en 2017, avec l’aide de son époux, une première étoile Michelin, le prix Michelin de la Femme Chef ainsi que le titre de découverte de l’année par Gault & Millau ? 2016, année de rédaction des guides 2017, était assurément leur année. C’est d’autant plus remarquable que le restaurant n’avait ouvert qu’en 2016. L’évidence avait donc du frapper les inspecteurs de plein fouet pour que la consécration arrive si vite.

Le cadre au Quadras

Le restaurant Quadras se divise en deux parties : un coin brasserie et, à peu près en face, la partie restaurant. La salle du restaurant est relativement petite : une vingtaine de couverts.

Le cadre a été soigné et on sent de suite la patte d’une architecte d’intérieure efficace, Sabine Hohn en l’occurence. La description faite sur le site web résume bien l’ambiance du Quadras : « Les matériaux naturels et la modernité façonnée s’y couplent de manière engageante, harmonieuse et dynamique. »

Le service en salle au Quadras de Kevin Ohles

En salle, le patron (et époux de la cheffe) Kevin Ohles supervise et organise. Comme souvent quand le patron est actif et que le restaurant s’est donné les moyens de son ambition, le service est précis et soigné. Quadras ne faillit pas à cette règle.

Sur le plan linguisitique, on notera aussi l’effort de l’équipe pour s’exprimer en français tout au long du repas alors que, situation géographique du restaurant oblige, l’allemand est la langue officielle et parlée couramment aux tables autour de nous.

L’expérience étoilée au Quadras

J’avais entendu des mauvaises langues dire que Ricarda Grommes avait reçu son étoile grâce à la discrimination positive et parce qu’il fallait bien avoir quelques noms étoilés à mettre dans le guide « Les femmes Chefs du guide Michelin » (guide qui, dans sa seconde édition, comptait 87 chefs dont seulement 6 étoilées et 13 Bib Gourmand). Je ne peux m’empêcher de me demander si ces mauvaises langues ont mangé au Quadras ?

Michelin, comme tout guide, est criticable dans certains de ses choix. Je ne me prive d’ailleurs pas de le faire à propos de certaines adresses. Mais une chose est sûre : l’expérience au restaurant Quadras mérite l’étoile. Je dirais même que, selon mes 50 expériences parmi les 52 tables étoilées de Wallonie et Bruxelles, Quadras est probablement l’archétype de l’étoile.

Si je devais choisir un restaurant qui incarne parfaitement ce qui représente, à mes yeux, l’étoile, cela serait Quadras. Mis à part une carte des vins « pauvre » et l’absence d’un sommelier (qui ne sont pas, je pense, des critères Michelin), les marqueurs des belles adresses une étoile sont présents :

cadre design et soigné.
service précis et efficace.
assiettes travaillées, magnifiquement dressées et très bien exécutées avec de beaux produits
un festival de mises en bouche pour commencer et un festival de mignardises pour terminer. Le tout au niveau des autres créations culinaires.
un vrai chariot de fromages dont certains sont locaux.
sens du détail qui fait la différence (plusieurs pains, petits glaçons sous les raisins servis avec le fromage,…)
générosité dans des prix maîtrisés

La carte des vin du Quadras

Le point faible du restaurant, c’est hélas sa carte des vins. Elle est courte, peu ambitieuse, comporte peu de références intéressantes, peu de références pour se faire plaisir et peu de millésimes anciens.

Il n’y a pas de forfaits vins, il n’y a pas de vins au verre et je n’ai pas entendu de conseils sur les vins : ni à ma table ni aux tables voisines.

Je n’ai pas vu de sommelier et je pense donc que, au vu de tous ces points d’améliorations potentiels, qu’il n’y en a pas. Et c’est bien dommage car la culture et l’amour du vin semblent totalement inexistants au Quadras.

Les prix des bouteilles sont, par contre, très bas et on ne peut que s’en réjouir. On trouve pas mal de bouteilles en dessous des 30 euros, ce qui devient très rare dans les restaurants étoilés, et le coefficient multiplicateur est en dessous du X3 classique.

Ricarda Grommes, cheffe du Quadras

Jeune cheffe trentenaire, le CV de Ricarda Grommes parle d’expériences multiples chez des grands chefs. Lesquels ? Ce n’est pas précisé, ce qui n’est en général pas bon signe (quand on travaille chez des Gagnaire, Passard, Bocuse,…. on en est en général très fier et on l’affiche).

Mais, finalement, peu importe chez qui Ricarda Grommes a travaillé auparavant. L’important, c’est ce qu’elle fait maintenant.

Il y a une catégorie de chefs qui fonctionnent à l’instinct et qui composent à la volée selon ce qu’ils ont comme ingrédients. Cela donne parfois de l’exceptionnel mais parfois du mauvais aussi. Souvent cela donne du pas mal, voir bien, mais peut mieux faire.

Et puis il y a ceux qui travaillent et cherchent à améliorer en permanence leurs créations. Je ne peux pas, ne la connaissant pas du tout, classer avec certitude où se situe Ricard Grommes. Mais mon ressenti me porte à croire que la cuisine du Quadras est une cuisine travaillée, pensée et réfléchie. On y ressent en effet des accords assez précis et, pourtant, des accords qui ne sont ni simples ni évidents. Je ne vois pas comment on pourrait aboutir à cela en improvisant.

Et puis il y a le visuel et les jeux de textures permanents, parfois poussés très loin avec énormément de nuances, comme sur ce dessert. On sent le travail et on sent la maîtrise.

Les assiettes de la cheffe

Les assiettes sont, du point de vue quantité, très généreuses. On ne juge pas un restaurant sur la quantité mais il n’y a rien de plus frustrant que de sortir d’un restaurant en ayant l’impression qu’on aurait encore bien mangé un ou deux plats en plus sans problème. Chez Quadras, cela n’arrive pas.

Du point de vue de l’exécution, j’ai aimé les assaisonnements bien poussés des assiettes, j’ai adoré qu’on y cuisine des beaux produits (comme le bar de ligne ci-dessous) et j’ai apprécié avoir des assiettes bien chaudes.

Ricarda Grommes démontre aussi, dans son Quadras, que les jus et les sauces ne sont pas là pour faire de la figuration. Une des mises en bouche, « Langoustine, mousse de carottes, citronnelle, jus de crustacés » le démontrait à merveille.

J’ai, par contre, accroché un peu moins sur certains accords un peu poussés, notamment lorsqu’on apporte des fruits dans les assiettes. Un dessert pomme-moka, je ne trouve pas que cela soit un accord optimum, même si la technique est là et l’exécution irréprochable.

C’est d’ailleurs cette crainte d’ajouts de fruits qui m’avait poussé à prendre le menu quartette 4 services et non pas le menu Quadras 6 services. Je ne regrette pas du tout mon choix.

Les tarifs au Quadras

Quadras est un restaurant étoilé et l’étoile s’y ressent comme je l’expliquais. Cela a donc un coût. Mais, j’ignore comment ils font, Quadras arrive à proposer une expérience étoilée à un prix très raisonnable.

Quel restaurant, de ce niveau, propose encore tous les apéritifs en dessous de 10 euros, le café avec des mignardises maisons en abondance à 5 euros et des bouteilles de vins à moins du X3 classique ? Même la bière Leffe est vendue 4 euros, soit quasiment le prix de n’importe quel café du coin.

Franchement, quand on sort du Quadras, on se dit qu’on a passé un beau moment et qu’on en a eu pour plus que son argent ! C’est suffisamment rare que pour le souligner.

Conclusions

Restaurant remarqué par le guides gastronomiques 2017, Quadras s’est donné les moyens de ses ambitions et les a atteintes avec brio. L’expérience étoilée y est incontestable.

La cheffe Ricarda Grommes exprime son talent dans ses créations culinaires et son mari, Kevin Ohles, supervise un service précis dans un cadre design et élégant.

L’addition reste légère, très légère en regard des prestations. Les récompenses obtenues sont totalement méritées. Il ne manque guère qu’une carte des vins digne de ce nom pour parachever l’oeuvre.