Restaurant Le Gril aux Herbes d’Evan à Wemmel.
Un, deux et trois. Pour manger au restaurant Le Gril aux Herbes d’Evan, il ne faut pas savoir compter plus loin. Car Evan, ce chef au grand cœur, ne vous mettra pas plus de trois saveurs par plat. Sa cuisine est celle là. On aimera ou pas, chacun ses goûts. Mais, en ce qui me concerne, je suis conquis. Ce chef sait comment me toucher et ce qu’il m’envoie atteint sa cible en plein cœur.
Dans son Gril aux Herbes, Evan est roi. Il fait ce qu’il veut, comme il veut, sans se soucier de ce que les guides en penseront. Sa motivation est ailleurs. Elle est dans l’amour du produit, l’amour du métier et l’amour qu’il veut donner à ses amis et clients. Car sous ses airs timides se cache un grand cœur, un gros cœur. Et cette générosité transparaît dans ses plats.
On constatera, sur le mur Facebook du chef, qu’il est un des rares à partager les photos des plats des autres grands chefs. Cela en dit long sur son état d’esprit que je résumerais par : « je fais passer les autres avant moi quand ils le méritent ».
Les produits d’exception du Gril aux herbes
Pour ses 30 ans, le Gril aux Herbes organisait un menu spécial. Un vrai menu de roi avec un festival à n’en plus finir des plus beaux produits. Un long et beau menu que le chef a mis des mois à préparer. Il voulait le meilleur du meilleur et il y a mis tout son cœur. Un menu que je ne pouvais pas ne pas aller déguster. Et comment ne pas succomber à tant de merveilles déposées à table ?
Sur le plan technique, il n’y a plus rien à apprendre à Evan. Les produits, les tous beaux je veux dire, il sait comment les trouver. Et puis il sait comment les respecter. Et respecter un produit noble, cela ne se limite pas à la cuisson. Il faut le même respect pour toutes les étapes qui précèdent comme lever les filets. Oui je sais, ça peut paraître facile à écrire. Mais c’est frappant quand on est assis à table et qu’on l’observe travailler. Dans la cuisine règne le silence. C’est zen. Dans son Gril aux Herbes, Evan a su s’entourer avec, notamment un brillant second en cuisine. Ils se comprennent et s’apprécient. Pas besoin de hurler, pas de besoin de hausser le ton…pas besoin de parler en fait. Un regard, un geste et tout est dit.
Parmi les produits nobles, il y en a un qui vient de suite à l’esprit : le caviar. Première chose à faire pour avoir une première idée de la qualité : le test de la boite. Quand on retourne la boite, rien ne tombe. J’avoue avoir quand même un peu tremblé quand il l’a démontré devant nous. Un si beau caviar qui tomberait sur le sol, ça serait quand même un terrible gâchis.
Ce caviar Mailian est magnifique car la taille du grain est agréable au palais, la membrane est ferme sans être dure et il a une finesse en bouche caractéristique de l’osciètre. C’est une toute belle sélection.
La même chose se constate sur les autres plats : les truffes (noires ou blanches) sont d’une toute belle dimension et superbement aromatiques. Le thon est fondant et d’une qualité exceptionnelle. Le wagyu est magnifiquement persillé.
Au Gril aux herbes, on se régale en s’instruisant
Un repas chez Evan, cela reste aussi un moment didactif. Le bar et le loup sont les mêmes poissons mais le bar est appelé loup dans la mer méditerranée. Au Gril aux Herbes, Evan s’amuse à les mettre en parallèle sous forme de carpaccio. Et de fait le test est intéressant : les textures et les saveurs n’ont rien à voir. Le bar se montre fondant et doux alors que le loup est plus ferme. Avec un assaisonnement léger à base de citrons caviars (encore un produit noble), on apprend en se régalant.
Dans le même registre, Evan propose une comparaison entre deux sardines millésimées : une 2012 et une 2014. L’occasion d’apprécier le travail du temps, ma préférence allant pour la sardine 2014 de par une texture plus ferme et un goût plus fin.
La cuisine du Gril aux herbes : pas de compromis
Au Gril aux Herbes, on n’accèpte ni les raccourcis ni les compromis et on prend le temps de cuisiner. Quand on entre, il suffit de jeter un oeil dans la cuisine. Les grandes casseroles sont là et ça mijote doucement. Sa soupe de poisson et son jus d’étrilles, Evan prend le temps de les faire. Du coup les jus sont denses et les arômes sont équilibrés et fins. Rien à voir avec les jus coupés à l’eau et à base de hâchis d’arêtes de poisson. La soupe de poisson au Gril aux Herbes, on ne la coupe pas à l’eau !
Au Gril aux Herbes, Evan sait aussi manier ses fourneaux. Et, à ce chef de prestige, on ne la lui fait plu. La mode de l’œuf à 63°C, il s’en fout. Et quiconque goûtera son œuf, simplement cuit à l’eau bouillante comme un œuf dur (mais moins longtemps), partagera son avis. Car il obtient au final non pas un blanc un peu tremblotant et gélatineux mais un vrai blanc bien cuit avec un jaune coulant. Ajouté à cela un beurre bien salé et de la truffe et c’est le bonheur !
Mais ce qui est le plus percutant, c’est la cuisson de ses poissons et crustacés. Ils sont tout simplement diaboliques. C’est d’une perfection millimétrée rarement atteinte. La langoustine par exemple, quelle merveille : translucide, elle se détache toute seule de la carapace pour fondre en bouche. Le produit se suffit à lui-même quand on sait comment le préparer. C’est comme ça avec les plats d’Evan au Gril aux Herbes : toujours précis, pointus et percutants. Les saveurs sont nettes et franches. On sait ce qu’on reçoit et on en ressent l’essence des plus beaux produits.
La passion du vin au Gril aux herbes
Il y a une autre facette d’Evan que je connaissais mais dont j’avais sous estimé l’ampleur. C’est son amour du vin, un amour qui nous relie donc. La carte des vins du Gril aux Herbes est une des plus belles de la capitale. Il y a de tout. Et ce qu’il n’y a pas, il faut oser le demander. Car Evan cache parfois de petites merveilles dans ses caves.
Cet amour pour le vin, il est visible sur les murs du Gril aux Herbes. Ceux-ci sont recouverts de façades de caisses en bois et d’étiquettes de prestige. Et la fierté du chef, qui rappelle son amour des vins, c’est qu’il a bu toutes les étiquettes qui sont affichées. Alors quand il raconte ses émotions sur les grands vins, on écoute. Et quand il parle d’une découverte, on sort son carnet et on note.
La carte des vins du Gril aux herbes
La carte des vins du Gril aux Herbes est à cette image : une des plus belles de Bruxelles et une des rares qui alterne à la fois des vins prestigieux (DRC, Château Mouton-Rotschild, Petrus, Cheval Blanc, Méo-Camuzet, Anne Gros,…) et des vins découvertes de qualité.
Au rang des découvertes, il y a le Domaine EgiaTegia. Le site web lesgrappes.com en parle en ces termes : « Dans le dernier numéro de Thalassa, on le surnomme le viticulteur de l’impossible. Emmanuel Poirmeur, vigneron au domaine EgiaTegia n’a clairement pas froid aux yeux. Il a pris le pari de s’installer et cultiver des vignes dans le Pays Basque. EgiaTegia est aujourd’hui le seul vignoble sur le littoral basque français ! Mais Emmanuel ne s’est pas arrêté là : il a aussi osé se frotter à la viticulture sous-marine dans la baie de Saint-Jean-de-Luz”.
Alors c’est sûr que le vigneron a visé un peu le buzz et qu’il a réussi. Mais quand on goûte, c’est excellent : un beau vin blanc d’apéritif qui, grâce à sa minéralité tranchante et son faible degré d’alcool, vous met les papilles en émoi. Et, au passage, je sais que ce vin est en dégustation au bar à vin de Laurence Lardot : le Wine Fever. Allez donc le goûter là-bas : vous ferez d’une pierre deux coups : la découverte d’un beau vin et celle d’un bar à vin qui mérite le détour.
Et donc, quand on est au Gril aux herbes, on se fait plaisir. Car si on ne le fait pas là, on ne le fera nulle part. C’est exactement le bon moment pour goûter ce qui se fait de mieux, en ce compris mon amour de Brézé de Rougeard.
Les anecdotes du Gril aux herbes
Des anecdotes sur les vins et les vignerons, le Gril aux Herbes en recèle. Celle qui m’a marquée, c’est celle de ce grand vigneron bordelais qui prend l’avion pour venir au Gril aux Herbes. Ce vigneron, dont je ne peux vous révéler le nom, avait entendu dire que Evan vendait les bouteilles de son second domaine à 70 euros au restaurant. Et c’’était, pour lui, inconcevable : son vin ne pouvait être vendu à moins de 150 euros à la carte.
Alors il est venu en personne voir Evan et lui proposer de lui racheter son stock. Evan l’a regardé et a refusé. Il préférait en effet continuer à les vendre à ses clients qui en raffolaient plutôt qu’au vigneron. Le vigneron a été surpris. Il a du se demander à qui il avait à faire. Mais les deux hommes, tous deux raisonnables et passionnés, ont vite aplani leur différences. Un Montrachet de la Romanée-Conti, de la cave d’Evan bien sûr, les a réconciliés. Il serait en effet compliqué de se fâcher devant un des plus grands vins blancs, si pas le plus grand, du monde.
Evan est un fin connaisseur. Sans doute un des plus grands que je connaisse. Alors je respecte, je l’écoute pieusement et je me régale quand je suis ses conseils. Je ne suis plus très « Bordeaux » mais quand on goûte celui-ci, c’est tout bonnement incroyable. On a du mal à croire qu’on est à Bordeaux tellement c’est bon et tellement la minéralité ressort. Dommage que ce vin soit tellement introuvable qu’on n’arrive pas à l’acheter pour sa cave personnelle. Mais Evan a du métier et des contacts. Il sait comment trouver les vins les plus rares et les meilleurs. Quel bonheur de se laisser guider par lui.
Une émotion qui submerge
Je pense que tout le monde aura compris que le Gril aux Herbes est une adresse qui me touche tout particulièrement. Mais je n’étais pas le seul. Et il y a une anecdote frappante que je tiens à expliquer. Un des convives, un ami sincère qui sait ce qu’est la grande gastronomie, a été touché en plein cœur par le millefeuille de Saint-Jacques et truffes. Il a littéralement été subjugué. Il s’est retourné vers nous et vers le chef : il avait les larmes aux yeux. Ce plat, sublime, avait fait resurgir en lui une émotion difficile à contenir. Et nous même étions touchés par tant de finesse et de précision. On en était presque tous aux bords des larmes. Le Brézé 2009, vin mythique qui l’accompagnait jouait lui aussi son rôle car un plat n’est jamais aussi grand que lorsqu’il est bien accompagné.
Une émotion se décrit toujours difficilement. Ici son origine provient sans doute de la dualité Saint-Jacques et truffe. Les fines tranches de truffes amènent, en plus des arômes si caractéristiques de ce champignon, du croquant. Il y a donc un jeu de texture entre la truffe et la Saint-Jacques à peine cuite (la cuisson provenant sans doute uniquement de ce petit bouillon émulsionné. A nouveau, trois saveurs : le 1-2-3 magique d’Evan se confirme et subjugue.
Le plus amusant, c’est que le chef Evan scrutait nos impressions. C’était un plat sur lequel il travaillait. Il était même un peu stressé je pense. Et quand vous voyez un grand chef un peu stressé, vous savez qu’il a encore en lui la passion et la flamme, deux choses nécessaires pour faire vivre aux clients un grand moment.
Conclusions
Pour terminer, j’ajouterai que le Gril aux Herbes d’Evan ne serait pas ce qu’il est sans Aline, la moitié d’Evan qui veille sur la salle et s’occupe avec une gentillesse infinie des clients.
Le Gril aux Herbes d’Evan est donc l’adresse d’un chef qui, en toute humilité et sans plus chercher la moindre reconnaissance de guides, fait ce qu’il aime avec les produits qu’il affectionne. Quand on ne cherche plus rien d’autre que d’envoyer de l’amour au travers de ses assiettes, c’est peut-être à ce moment là qu’on est le plus grand.
J’avais un top 10 et je veux entrer Le Gril aux Herbes dedans. Ne pouvant enlever un des restaurants de la liste, j’aurai donc mon top 11 reprenant mes 11 coups de cœur.
LIEN VERS LE SITE WEB DU RESTAURANT
Evan Restaurants
MENU
Nem de homard, sauce aigre-doux et potage de butternut.
Thon rouge Bluefin
Sardines millésimées 2012 et 2014
Wagyu et truffe blanche
Calques de bar et de loup
King crabe sur son lit de rémoulade de céleri-rave
Langoustine
Langouste et son jus de légèrement crémé
« Ma soupe de poisson »
Mille-feuille de Saint-Jacques et truffes, écume de volaille montée au beurre de Noirmoutier. Purée façon Robuchon, jus de viande, caviar. Bouillon d’étrilles.
Saint-Pierre, petits légumes, jus de rôti de veau
Œuf à la coque 4 minutes, beurre de Noirmoutier, truffe
Coucou de Malines cuit 5 heures à 50 degrés
Chevreuil juste rôti, jus de cuisson, airelles, légumes racines et céleri.