Hôtel Restaurant Lemonnier à Lavaux-Sainte-Anne
A propos du restaurant Lemonnier, il y a beaucoup de choses à écrire. Et beaucoup l’ont été d’ailleurs. Il suffit de regarder sur Google : le restaurant Lemonnier a été visité par quasiment l’entièreté de la blogosphère francophone.
Alors plutôt que d’écrire un énième texte qui dirait tout le bien des gibiers et viandes préparés au restaurant Lemonnier (ou le moins bien concernant des assaisonnements en retrait sur certaines entrées), je préfère aborder un autre angle de vue plus personnel. J’ai donc choisi de parler de mon expérience sur la carte des vins du restaurant Lemonnier, une expérience qu’on ne peut avoir qu’en payant ses additions et qu’entourés d’amis oenophiles prêt à casser leur tirelire pour se faire plaisir.
J’aurais pu parler de plein d’autres choses:
– la passion des chefs pour les produits locaux et notamment les superbes viandes achetées à la boucherie à la ferme. Un fermier motivé qui pousse le vice à conduire ses bêtes à l’abattoir la veille pour ne pas les stresser et pour avoir donc une viande bien tendre.
– la sélection de vaches plus âgées pour avoir du goût sans devoir pousser la maturation et garder donc de la jutosité dans la viande.
– la passion du chef pour la cueillette des girolles sur les chasses d’un ami et ses préparations à cru qui en découlent.
– la recherche permanente des accords avec les vins.
– du travail, en duo, du père et du fils.
– du plaisir qu’on a de prendre un petit déjeuner avec les magnifiques produits locaux et frais tout en discutant avec Eric Martin.
Mais j’ai plutôt choisi, par originalité, de ne parler de Lemonnier qu’à travers leur carte des vins.
Une belle carte des vins
Chaque oenophile aura sa définition de « belle carte des vins ». Mais ils s’accorderont probablement tous pour dire qu’elle doit être:
- épaisse c’est-à-dire comprendre un grand nombre de références.
- large en terme de couverture de pays, régions et AOC.
- équilibrée et proposer une bonne balance entre des vieux millésimes et des vins plus jeunes.
- variée en contenant à la fois du bio, du nature et des vins conventionnels.
- riche de découvertes et de grands noms.
Un dernier critère me tient à coeur : elle doit être abordable en terme de prix. La carte des vins du restaurant Lemonnier est donc une belle carte des vins. C’est même le problème. Une fois sur place, impossible de faire l’impasse devant les grands mythes proposés à prix doux.
Des vins mythiques
La sélection dans une telle carte est difficile, très difficile. Dans le budget fixé, les candidats étaient relativement nombreux. Trois mythes se sont toutefois avérés incontournables :
- Meursault Rougeot Coche-Dury 2007 – 149 euros à la carte (valeur idealwine : 399 euros).
- Hermitage rouge La Chapelle 1989 – 149 euros à la carte – 96/100 parker (valeur idealwine : 238 euros).
- Hermitage Chave rouge 1990 – 149 euros à la carte- 99/100 parker (valeur idealwine : 534 euros).
Oui, vous avez bien lu : ces vins sont vendus moins chers au restaurant Lemonnier que leur valeur sur le marché. Erreur ? Pas vraiment. Tout d’abord ce sont des vins dont la valeur a explosé en quelques années et le restaurant Lemonnier les avait, en son temps, acheté moins chers.
Ensuite c’est la volonté de la maison Lemonnier de proposer des grands vins prêts à boire. Tristan et Eric Martin, les deux chefs du restaurant Lemonnier, me confiaient d’ailleurs qu’ils refusent régulièrement de vendre à des clients des bouteilles à emporter.
Leurs bouteilles sont faites pour être bues avec leurs plats et c’est très bien comme ça (encore que ça m’aurait bien plu de pouvoir en acheter une).
Des vins prêts à boire
L’autre question qu’on peut se poser est celle-ci : comment le restaurant Lemonnier peut-il encore avoir des Meursault Coche Dury 2007 à sa carte ? C’est tout bonnement introuvable et, dès que les passionnés aperçoivent l’ombre de leur bouchon, ils se ruent dessus quitte à commettre un infanticide (comme je l’ai fait à l’impératif soit-dit en passant).
Le secret est pourtant simple : ne les mettre à la carte que lorsqu’ils sont bons à boire. C’est efficace et je les félicite car c’est plus facile à dire qu’à faire. Des bouteilles comme celles-là sont fortement consommatrice de liquidités et le restaurant Lemonnier doit donc faire des sacrifices au service de la passion du vin.
Quel bonheur de goûter une fois dans sa vie un tel Coche-Dury ! Ce n’est pas le Corton (le blanc le plus prestigieux du monde) et ce n’est pas un Meursault 1er cru mais il est magnifique : équilibré, ample, riche, raffiné.
Et puis il y a le trait caractéristique de chez Coche-Dury : une finale qui claque, qui tranche et qui dure. Du grand art et incontestablement le vin blanc de la soirée.
Un choc de titans
Au restaurant Lemonnier, Eric et Tristan sont des amoureux du vin. Ca se voit, ça se sent à travers la carte mais surtout ça s’entend quand on aborde le sujet. Ce sont de vrais amateurs et non pas des buveurs d’étiquettes.
Nous avions donc choisi un duel avec deux grandes bouteilles de la carte :
- Hermitage La Chapelle de chez Jaboulet 1989
- Hermitage de chez Chave 1990.
Deux vins introuvables et, autre part qu’au restaurant Lemonnier, impayables. N’importe quel buveur d’étiquettes se pâmerait devant ces bouteilles, n’utilisant que des sujets-verbes-compliments dans un language technique et pompeux.
L’impression de la table fût plus mitigée.
Hermitage La Chapelle Jaboulet 1989
J’avais demandé à Caroline Frey, propriétaire du domaine et adepte de ce millésime (selon les rumeurs), un conseil pour préparer au mieux cette bouteille. En l’absence de réponse, la bouteille a été ouverte 12h à l’avance et laissée en cave.
Ce vin dégagait des arômes de sous-bois, de champignons, voir de carton mouillé. Le vin semble fringuant et raffiné mais ces arômes dominent et indisposent.
Je ne suis toutefois pas convaincu qu’une plus longue aération (la RVF aime parler de 24h) ou qu’un passage en carafe quelques heures l’aurait améliorer. Nous ne le saurons sans doute jamais.
Hermitage Chave 1990
En ce qui concerne l’hermitage de Chave 1990, le vin semblait un peu fatigué. Le fruit avait disparu et, bien que très ample et très plaisant en bouche, les arômes tertiaires faisaient leur apparition.
On avait donc un vin qui avait dépassé son apogée et qui se trouvait, doucement, sur la descente. La finale, un peu asséchante, laissait ressortir des tanins encore durs.
Je me demande dans quelle mesure ce vin a été grandiose un jour. J’ai plutôt l’idée d’une bête de concours conçue pour durer. Un vin qui devait sembler fermé et dur dans sa jeunesse et un vin dont les tanins ne se sont jamais fondus même lorsque le fruit a totalement disparu comme ici.
Evidemment on chipote un peu. Ces vins, on a eu du plaisir à la boire. Mais étaient-ils grandissimes, à la hauteur de leur réputation et à la hauteur de leur valeur de revente ? Ma réponse est, humblement, non.
Eric Martin et le vin
C’est ici qu’interviennent les compétences et l’expérience du chef du restaurant Lemonnier : Eric Martin.
Qui donc oserait encore servir une bouteille après ces deux mythes ?
Quelle personne oserait alors choisir une vin presque aussi vieux ?
Et quel oenophile aurait suffisamment d’expérience pour trouver un vin qui les surpasse tous les deux ?
Si on m’avait posé la question, j’aurais répondu que c’était mission quasi-impossible.
C’est là que Eric Martin a sorti un lapin de son chapeau et a gagné mon respect éternel : un Trevallon 1995.
Trevallon, on t’adore
Servi à l’aveugle, le nez est dingue : on dirait le nez de l’hermitage de Chave mais en plus jeune et en plus gourmand. Ne sachant pas ce qu’il y a dans mon verre, je pense alors qu’ Eric Martin est allé chercher un autre Hermitage de chez Chave mais sur un millésime plus gourmand, plus ciselé, plus précis et plus jeune.
La syrah dans son expression la plus noble, domine l’ensemble mais on sent que le cabernet sauvignon apporte une belle structure. Ce vin est une bombe ! Un des meilleurs vins que j’ai bu de ma vie et le meilleur rouge de la soirée (de l’avis unanime de la table).
Eric Martin, très humble et content de son coup, eut cette réponse : quand on a gouté les touts grands, on n’est plus intéressé par ces vins à 19,5/20. On va laisser tomber le 0,5 et aller chercher des vins à 19, voir 18/20. On veut des vins qui peuvent se montrer tout aussi bons mais en étant 5 fois moins chers.
Et oui : Trevallon, un domaine que j’ai visité récemment, se vend dans les 36 euros TVAC en primeur.
Maintenant j’en suis sûr : ce vin va exploser dans les années à venir et deviendra introuvable et spéculatif.. C’est un grand domaine encore largement sous-estimé. C’est décidé : je vais doubler mes commandes en primeurs.
Le sommelier
Et le sommelier du restaurant Lemonnier me demanderez-vous ? Une grande carte des vins ne serait rien sans un sommelier digne de ce nom. Tout d’abord le sommelier du restaurant Lemonnier n’a pas eu la vie facile avec tous les vins à associer à chaque plat.
18 bouteilles sur six services, il faut être précis dans les accords avec les plats, dans les vins servis ensemble et surtout dans l’ordre de service des crus.
Après avoir donné durement de sa personne pour le client (ndlr: avoir goûté tous les vins), le résultat fût parfait : impossible de faire mieux.
C’est un sommelier qui m’avait déjà séduit lors de ma visite précédente. Je me souviens encore qu’il connaissait de mémoire les quatre cépages pourtant atypiques du Mas de Daumas Gassac.
En confiance, on lui avait demandé un bon vin rouge pour un budget de 80 euros. Il nous avait alors posé quelques questions et puis était revenu avec le domaine de la Marfée, cuvée les gamines 2009. C’était excellent et exactement ce qu’on voulait avec de la fraîcheur, de la souplesse et une bonne longueur en bouche.
La top surprise, ce fût le prix : 43 euros au lieu des 80 euros.
Finalement, un sommelier qui privilégie le rapport qualité-prix du client au lieu du chiffre d’affaire, c’est tellement rare qu’il faut le souligner !
LOCALISATION
Ce répertoire n'existe pas. Merci de le créer.
MENU
Mises en bouche :
– Nougat de chèvre et jus de melon
– Burrata et jus vert
Mises en bouche :
– Truite fario, poireaux, jaune d’œuf fumé
– Consommé de queue de bœuf confite
Lapin fermier, en porchetta gambero rosso, concombre, noisette, abricot, huile de pin douglas
Saint-Pierre, jus de carotte, céleri, tomate, petit pois, pourpier, basilic
Homard européen, jus corsé, artichaut sauté
Agneau de l’Aveyron, carde de bette, girolle, amande fraîche
Agnolotti, jus d’agneau à la ratatouille
Chevreuil du Pirsch, cassis, carotte, pourpier
Chocolat Manjari, cassis, mûre, cerise, rhubarbe