Vins du domaine Henri Milan
Sur les baux-de-provence (je parle de la région et non pas de l’AOC), trois grands domaines se distinguent. Il y a le mythique Trevallon bien sûr et puis il y a le domaine Hauvette et le domaine Henri Milan. La RVF (N°603) ne dit d’ailleurs pas autre chose.
J’ai parlé de Trevallon dans un article précédent et Dominique Hauvette m’a laissé un mauvais souvenir (sur le plan personnel) lors d’une dégustation au salon des vins bios et natures. Déguster une belle bouteille ne peut s’apprécier grandement que si on apprécie l’homme ou la femme qui l’a façonnée.
Henri Milan, en photo ci-dessous a un caractère jovial et amusant. Débarquant un peu à l’improviste à 11h30 en ayant téléphone 20 minutes avant (heure que je déteste en général car elle correspond aux piques-assiettes qui vont prendre l’apéritif gratuitement dans un domaine), je suis tombé dans une petite fête improvisée. Il faut dire que la France avait battu l’Allemagne la veille et que Henri Milan, qui avait assisté au match dans le stade, était d’une humeur encore plus joyeuse. Merci à l’Allemagne d’avoir perdu.
L’esprit des copains règne au domaine Henri Milan : tout le monde est le bienvenu à condition qu’il apporte sa bonne humeur et qu’il aime les bons vins. Un collègue vigneron et ami de Henri Milan était d’ailleurs là, ce qui fût l’occasion de discuter technique. Lui aussi fervent défenseur des vins bios et natures, la discussion a porté sur l’utilisation (ou plutôt la non-utilisation dans leur cas) de la gomme arabique, un additif qui permet également d’apporter de la rondeur et du fruit croquant au vin en diminuant la sensation d’astringence.
La gomme arabique est donc une poudre de perlimpinpin que les gens sérieux, comme Henri Milan, n’utiliseront jamais. C’est même un trait caractéristique des vins que j’ai dégusté : il y a une acidité permanente et marquée dans tous ses vins : tout d’abord dans son rosé non filtré et non collé, ensuite dans son brut nature et enfin dans ses vins rouges.
Cela les rend non seulement plus aptes au vieillissement (l’acidité étant bien connue pour favoriser le bon vieillissement des blancs) mais surtout cela les rend plus légers, plus digestes, plus fins dans l’expression de leur fruit. Rien ne me rebute plus que les vins issus du grenache où l’on ressent les fruits compotés et l’alcool. Les vins d’Henri Milan restent donc frais et légers en terme d’alcool (souvent 12,5% voire moins). On a parfois l’impression de redécouvrir le fameux assemblage GSM (Grenache-Syrah-Mourvèdre).
Henri Milan est donc un vigneron bio avec des cuvées natures. Cela donne parfois des arômes étonnants et des particules en suspension dans les bouteilles. Mais il y a un aspect très intéressant chez lui : outre le goût de l’authenticité qu’aiment les adeptes du genre, les vins de Henri Milan sont une fameuse démonstration de l’aptitude des vins bios à vieillir. Lors de cette dégustation, j’ai ainsi pu goûter la cuvée rouge Doherty 2007, soit un vin de quasi 10 ans. Quelle jeunesse, quelle fringance…il y avait même encore des tanins un peu marqués qui témoignent d’une garde encore possible. Dans le même style, la cuvée Dürrbach 2009 (du nom du peintre qui a dessiné l’étiquette – voir photo ci-dessous) affichait plus de rondeur et serait plus à son terme pour le boire.
Henri Milan développe aussi deux cuvées haut de gamme : le jardin en rouge et la carrée en blanc. Sorties en 2010, ces cuvées ont démarré à 50 euros la bouteille. Les 2011 se vendent à 100 euros et les 2012 à 200 euros….sauf si vous êtes un heureux allocataire des premières heures auxquel cas le prix reste à 50 euros. Est-ce que j’aurais mis 50 euros sur ces bouteilles ? Peut-être sur le rouge, car la finesse de cette cuvée mono-cépage merlot (il nous fût confié qu’à l’aveugle personne ne trouvait le cépage) le rend on ne peut plus agréable et raffiné.
Mais 100 euros ou 200 euros, jamais je ne les mettrais. En fait je pense qu’Henri Milan est aussi bon sur sa stratégie commerciale que dans l’élaboration de ses vins. Il a créé une cuvée d’exception, a fait le buzz et la rareté est présente (2000 bouteilles). Les acheteurs convaincus de la première heure ne vont jamais lâcher leur allocation à 50 euros vu le prix de vente actuel. Et donc, même si peu de nouveaux clients commandent au prix de 200 euros, la vente du stock est quasiment assurée. Et s’il y avait des invendus, il ne fait aucun doute que les allocataires actuels se rueraient pour les avoir. Henri Milan a donc eu une stratégie intelligente pour sécuriser la vente de ses grandes cuvées au prix de 50 euros. Et les restaurants qui la proposeront au classique X3 (càd à 150 euros) seront encore moins cher qu’au domaine. C’est malin !
Le vin, c’est le partage de la passion. Il y a des vignerons qui vous reçoivent et vous expédient en poussant à la vente. Il y a ceux qui ne vous reçoivent pas car tout est vendu (surtout en Bourgogne). Il y a ceux qui comprennent que vous aimez le vin, que vous le connaissez et qui, du coup, ont spontanément envie de vous faire goûter leurs grandes cuvées.
Je suis passé à l’improviste, recommandé par personne et inconnu du domaine. Je n’étais donc pas l’ami de l’ami ou un journaliste à soigner car il y avait un article à la clé dans un gros tirage. Henri Milan et son équipe nous ont reçu jovialement comme on reçoit des amis de la meilleure façon qu’il soit, prenant le temps de la dégustation et faisait goûter les deux célèbres cuvées à 100 euros, juste pour le plaisir du partage.
C’est exactement le genre de comportement qui me font encore plus aimer les vins d’un vigneron. D’ailleurs, de retour, je me suis empressé de profiter d’un rosé-piscine. Et, je rassure mes gentils lecteurs tout comme Henri Milan : mon rosé piscine ne consiste pas à mettre des glaçons dans mon vin mais à boire la bouteille, à débacher la piscine et puis à plonger dedans.
En Belgique, les vins d’Henri Milan sont en vente à l’odyssée des arômes, chez l’excellent Laurent Mélotte que les spécialistes des vins bios/natures connaissent bien puisqu’il fût le précurseur, un convaincu de la première heure et surtout un caviste sérieux.
Pour terminer, une anecdote amusante : tout comme Trevallon, le domaine Henri Milan a renoncé à l’AOC Baux de provence à cause des contraintes trop importantes du cahier des charge. On finira par constater que les plus grands vins de la région sont en dehors de l’AOC et que, une fois n’est pas coutume, l’AOC est plutôt un signe de qualité moyenne que de qualité exceptionnelle.
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