Restaurant Cécila par Mélanie Englebin à Bruxelles
Mélanie Englebin, cheffe du restaurant Cécila à Bruxelles, est une jeune cheffe qui a du caractère. Et tant mieux. Car une cheffe (ou un chef) sans caractère, ce n’est pas une cheffe. Alors quand j’ai lu dans la presse qu’un restaurateur bruxellois avait mis le bourgmestre de Bruxelles (Yvan Mayeur) en dehors de son établissement en refusant de le servir, j’ai de suite pensé à elle.
Intuition confirmée par la presse un peu plus tard. Les mesures à la sauvage d’un Yvan Mayeur despote (avis personnel bien sûr et avis qui n’engage que moi) avait un tel impact économique sur le restaurant Cécila que Mélanie Englebin se voyait mal mettre tout son coeur et toute son âme pour servir à manger celui qui la condamnait à petit feu.
Un tel geste, bien plus instinctif que réfléchi et bien plus émotionnel qu’intellectuel, a suscité un véritable buzz sur la toile. Sur les réseaux sociaux, je ne cessais de lire des messages de félicitations et d’encouragement vis-à-vis du restaurant Cécila. Mais, mauvais hasard du calendrier (comme quoi rien n’était calculé), le restaurant Cécila était dans sa période de congé juste après.
Cela m’attristait un peu car le restaurant Cécila est une adresse que j’adore et je craignais que le buzz, bien mérité, ne lui profite pas. Je m’imaginais que le buzz allait retomber et que le grand public oublierait le restaurant Cécila. Quel plaisir donc d’apprendre, ce midi, qu’il n’en est rien. Le restaurant Cécila tourne à nouveau à plein régime. Beaucoup de personnes viennent la féliciter et la soutenir. Et, après avoir mangé, il sont conquis par le talent de Mélanie Englebin et reviennent.
Et c’est là que se situe la plus belle des récompenses finalement. Peu importe en fait que le restaurant Cécila n’aie pas une étoile (qui serait bien méritée) et peu importe que le restaurant Cécila végète à 14/20 au Gault & Millau (elle mérite bien sûr deux points en plus) : le restaurant Cécila est maintenant plébiscité par le grand public et c’est tant mieux.
Le restaurant Cécila, c’est avant tout un poème de délicatesse. Durant ce repas, j’étais accompagné d’un gastronome qui, de part son activité d’homme d’affaires, est un habitué des repas d’affaires dans les meilleures adresses de la capitale. Il n’en revenait pas du niveau du restaurant, restait silencieux de longues minutes en se délectant de son plat (ce qui est le plus beau compliment quand j’invite quelqu’un) et ne tarissait pas de remerciements pour lui avoir fait découvrir ce joyau. Il a d’ailleurs de suite réservé pour un prochain repas. Sa conclusion, exprimée de vive voix auprès de la cheffe : « J’ai mangé aussi bien que chez Bon-Bon« . Quel compliment !
Sur une année, j’ai eu la chance d’aller manger dans une petite centaine de restaurants et j’ai probablement dégusté pas loin de 400 plats. Comme tout statisticien le sait, l’appréciation suit une courbe gaussienne avec sa moyenne, ses plats exécrables et son sommet élitiste. Mon avis reste bien sûr celui d’un simple gastronome passionné mais il y a pour moi un signe qui ne trompe pas : celui où je me souviens d’au moins un plat avec émotion.
Chez Cécila, c’est toujours le cas. Il y a trois ans, je me souviens encore avec fébrilité d’un plat de pigeonneau grandiose (merci Benoit de l’avoir forcée à le cuisiner). L’année suivante Mélanie Englebin remettait le couvert avec un terre-mer de rouget et de porc. Lors de ce repas, elle m’a ébloui là où je l’attendais le moins : sur le dessert : un dessert magique : travaillé, complexe, bien équilibré, gourmand et raffiné.
Je reste convaincu que Mélanie Englebin aux commandes du restaurant Cécila est une star en pleine ascension. Encore que le terme « star » me fait penser à sa traduction française « étoile » et du coup à sa nature plus éphémère. Or rien n’est éphémère chez Mélanie : au fil des années, je ne cesse de la voir progresser.
J’ai senti cette fois un menu bien plus réfléchi et abouti : moins d’improvisation (encore qu’avec un arrivage journalier, il y en a) et plus de maîtrise. C’est le signe de la sagesse qui s’installe et le signe de l’expérience qui parle. Les menus de Mélanie ont toujours été très bons mais le niveau était un peu variable d’un plat à l’autre. Il n’en est plus rien et la construction est parfaite : on commence sur la fraîcheur et on termine avec plus de force et de gourmandise. Chaque plat se montre plus fort que son prédécesseur et parvient à le faire oublier en apportant encore plus de plaisir.
On sent que dans son restaurant Cécila, Mélanie Englebin a pris ses marques. Elle a complexifié ses plats mais sa passion et son amour restent toujours présents et perceptibles dans ses assiettes. Sa cuisine révèle toute la sensibilité que seule la cuisine d’une femme cheffe est capable d’apporter. C’est difficile à décrire avec des mots. Je pense que c’est un mélange de subtilité et de malice, un équilibre bien pensé et une petite dose de surprise et de sensualité.
Ajouté à cela un service de qualité en salle, une aide en cuisine qui assure la cadence et une carte des vins correcte, voilà définitivement quelques écueils du passé complètement oubliés.
Je ne doute du succès futur du restaurant Cécila. Je crois qu’il arrivera un jour où elle brillera au firmament, parmi les stars des stars (pour ne citer qu’eux Yves Mattagne, Christophe Hardiquest, Vincent Gardinal, Christophe Pauly, Alexandre Dionisio, Stéphanie Thunus et Sébastien Guchet,…) et qu’à ce moment je me souviendrai avec émoi : « j’ai connu Mélanie à ses débuts et je la revois encore sous les lampes de sa cuisine semi-ouverte en train de dresser ses assiettes avec minutie ».
A ce moment, je serai fier de dire que je l’ai connue et que j’ai eu la chance de discuter gastronomie avec elle. Ce sera le temps où elle passera dans toutes les émissions culinaires mais moi je retiendrai surtout ses plats qui m’ont fait vibrer et j’espère qu’elle se souviendra à quel point elle a régalé ses clients.
En un mot, comme en cent, la cuisine du restaurant Cécila me touche. Cela reste personnel mais néanmoins bien réel ! Cette adresse est sous-notée par les guides et c’en est limite indécent. Espérons que cela change car il n’y a pas pire injustice en gastronomie qu’une grande cheffe notée bien en dessous de son niveau. Bravo Mélanie.
MENU
Mise en bouche : Déclinaison de fenouil : cru en salade, confit et en glace
Mise en bouche : écrasée de courgettes, gelée d’aloe vera et oeuf de lompes
Mise en bouche : haricots de Soisson, anguille fumée, consommé de champignon au ponzu
Oeuf de ferme en basse température, coquille d’oeuf (en lactose) imprégnée d’huitre, fèves, petit pois, huile de cerfeuil
Crevette, tempura, jardin de légumes printaniers et jus de têtes de crevettes
Blanc de seiche, mousseline d’oignons fumés, mousserons, fumet réduit, pickles de graines de moutarde
Bar de ligne, espuma de pomme de terre, tartare de couteau à la bergamotte, haricot beurre, coulis de persil plat
Gateau au miel et la camomille, crémeux de chocolat blanc toasté, gelée de myrtilles, meringue, sorbet à la cire d’abeille
PHOTOS
D’AUTRES REPAS
25/06/2014 : https://www.passiongastronomie.be/2014/06/restaurant-cecila-bruxelles/
Normann
Une bien belle critique que j’ai lu avec passion
PassionGastronomie
L’essayer, c’est l’adopter Normann !