Le Château de Strainchamps, restaurant à Fauvillers
Le Château de Strainchamps, c’est tout d’abord l’hôtel-restaurant de Paulette Lalande et Frans Vandeputte, un couple qui a d’abord officié 10 ans aux côtés de Michel Haquin avant de créer leur petit nid, un petit nid bien douillet qu’ils ont ouvert en 1990 au fond de la Belgique. Les chambres (10 au total) s’avèrent très spacieuses et confortables et c’est un hôtel où on a beaucoup de plaisir à dormir.
Le Château de Strainchamps fait partie de ces restaurants pour lesquels on se déplace. On n’y va pas par hasard et on n’y va pas à midi avec un client pour signer un contrat : on y va parce qu’on sait qu’on y sera attendu, qu’on y sera bien accueilli et qu’on y passera un très beau moment gastronomique.
Le Château de Strainchamps fait donc partie de ces belles adresses avec une âme et une grande cuisine. Le chef, Frans Vandeputte, connait évidemment son métier (il serait étonnant qu’il en soit autrement pour ce restaurant une étoile Michelin, 15/20 Gault & Millau et deux toques Delta). Mais il sait aussi une chose, une chose profondément injuste : il n’a pas droit à l’erreur.
A Bruxelles, c’est facile. Vous êtes un jeune chef, vous avez fait l’une ou l’autre maison renommée et vous avez envie de vous lancer ? Pas de soucis : quelques mètres carrés tout propre, une bonne agence de communication et voilà le buzz lancé avant même l’ouverture du restaurant. Vous gérez cela intelligemment, vous créez la rareté (en faisant croire que tout est complet un mois à l’avance), vous proposez des choses hors norme et le succès est facile et garanti…du moins à très court-terme.
Mais, dans le fond de la province du Luxembourg, cela ne fonctionne pas comme cela. Vous êtes situés à l’écart, vous n’attirerez pas les gens de passage par erreur et donc vous n’avez pas droit à l’erreur car les attentes de vos clients sont élevées. La clientèle se déplace pour vous. Elle sera donc difficile, exigeante et se laissera pas abuser par quelques effets de manche bling-bling.
Alors, les chefs comme Frans Vandeputte du Château de Straichamps (et je pense aussi à d’autres comme Clément Petitjean, Vincent Gardinal, Maxime Collard, Daniel Van Lint, Jean-Michel et Max Dienst, Eric et Tristan Martin et d’autres que j’oublie sûrement), ils travaillent, ils travaillent et ils travaillent encore. Ils savent que tout doit être parfait : pas de place à l’improvisation du moment avec des queues de cerises marinées dans un vieux fût de chêne d’Yquem mais place à une réflexion de fond et à de nombreux essais jusqu’à obtenir ce qui est désiré. Par exemple au Château de Strainchamps : l’huître de la mise en bouche. Le chef les plonge dans un jus à base de betterave pour que l’huître, par échange avec son milieu, se colore et prenne le goût de son milieu ambiant. Et ce n’est pas un essai qu’il sert au client : il l’a recommencée maintes et maintes fois jusqu’à avoir trouvé la couleur et les arômes voulus en fonction de la sorte d’huître disponible.
Il faut donc rendre hommage à ces chefs. Car ce qui en ressort est, très souvent, d’un niveau très élevé. S’en suivent donc une succession de plats bien pensés, bien construits et bien exécutés. C’est toujours harmonieux et délicat, plein de goût et équilibré. Dans ces menus, réfléchis, on ne trouve que plaisir et gourmandise. Aucuns grains de sable, aucunes notes dissonantes, aucuns faux pas : du début à la fin s’enchaînent des plats de hautes volées. Et c’est encore plus impressionnant quand, comme ici, il y a deux personnes en cuisine (le chef compris) et deux personnes en salle).
On y trouve aussi des plats signatures, véritable fruit d’un travail de plusieurs années. Au Château de Strainchamps, il s’agit du croustillant de langoustines sauce au curry froid. Les chauds-froids, c’est un parti pris du chef. On doit donc le juger comme tel, que l’on aime ou non cette association. Personnellement l’association ne m’avait jamais ému. Mais il faut toujours une première fois. Ce croustillant, c’est le bonheur absolu : le juste dosage des ingrédients, des cuissons magnifiques de produits de premier ordre et une finesse dans les accords. Le chef a pensé, un court moment, l’enlever de sa carte. Et il l’a fait. Levée de bouclier : les clients le réclamaient à corps et à cris. Et ils avaient raison. Le plat est donc revenu à sa juste place.
J’avoue qu’avec 15/20 au Gault & Millau, je ne m’attendais pas à un repas de ce niveau. J’ai été scotché. Tout d’abord par le cadre raffiné et cosy. Le restaurant est divisé en deux espaces principaux : un premier espace pour l’apéritif avec des fauteuils confortables devant un feu de bois. Quel plaisir subtile que de se dépayser un peu pour l’apéritif. Ensuite des petites salles à manger (que l’on peut privatiser au besoin, ce qui était le cas pour notre table de neuf) où on respire, on est à l’aise et on se laisse dorloter.
Le service s’avère également du niveau de celui qu’on attend d’une table de renom : distingué, raffiné, précis et concis. Que ce soit pour le service à table ou pour le service des vins, il y a de la maîtrise, du plaisir et du service au client.
Une chose qui me tient souvent à coeur, c’est la carte des vins. Celle du Château de Strainchamps, c’est exactement celle que j’attends d’un restaurant de ce niveau. Elle est parfaitement équilibrée à tous niveaux : prix, bulles-blanc-rouge-rosé, régions, pays, anciens-nouveaux millésimes. Elle permet donc de se faire plaisir à petit prix (les premières bouteilles sont à 35 euros) ou de se payer de petites folies comme sur cette magnifique sélection de Bourgogne où l’on n’arrive pas à choisir. Si la légende de l’âne de Buridan n’existait pas encore, sa version oenophile s’inscrirait avec des amateurs de vins qui mourraient de soif ne pouvant choisir quelle bouteille boire dans cette page.
Et pour ceux qui se poseraient la question : non on n’est pas mort de soif et on a opté pour celle-ci: un Clos St Denis de Bertagna d’une jeunesse impressionnante et d’une grande classe mais pour lequel il manquait peut-être un velouté en bouche pour lui amener cette touche de plaisir et de coup de coeur (je me permets, ici, de citer le commentaire d’un double meilleur sommelier de Belgique présent à table).
J’ai fait une recherche sur google sur le terme « Château de Strainchamps ». Je n’ai trouvé aucuns textes de blogueurs dans les premières pages. Si on fait le même essai sur des restaurants tendances, on en trouve une pléthore et parfois même alors que le restaurant n’est pas encore ouvert.
Je peux comprendre l’intérêt d’aller goûter la cuisine d’une jeune pousse sur Bruxelles (moi-même je vais en faire deux la semaine qui vient). Mais il ne faut pour autant en oublier les valeur sûres, les chefs qui se donnent et connaissent leur métier. Des gens qui, comme Frans Vandeputte au Château de Straichamps, savent que grande et belle cuisine ne riment pas avec bling-bling, avec le show ni avec le superficiel. Je dis donc merci à ces grands chefs qui officient au fin fond de la Belgique, qui se donne à fond pour leurs clients et qui réussissent si souvent à transmettre leur passion dans leurs assiettes. Vous avez tout compris de ce qu’est la grand cuisine : continuez à nous régaler.
LIEN
http://www.chateaudestrainchamps.com/
LOCALISATION
MENU
Mises en bouche
Croustillant de langoustine, sauce froide au curry
Filet de boeuf mariné façon Bresaola, pommade d’ail noir fermenté
Poêlée de noix de Saint-Jacques, quinoa, salsifis et truffes
Bar de ligne rôti sur peau, lard à la vanille, émulsion de coquillage couteau
Parmentier de queue de boeuf, purée de céleri, galette de pomme de terre
Ris de veau laqué, langoustines et lentilles vertes du Puy
Ananas rôti, mousse des Caraïbes et sorbet à la noix de coco
PHOTOS
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