A Mons, pas très loin de la Grand Place et juste en face de l’ex friterie Billy (la référence des fins de soirées estudiantines), se cache une jolie petite maison de bouche : Le Comptoir de Marie. Le nom de ce restaurant a été choisi pour rappeller le prénom de la tendre et douce moitié de Luc Broutard (le patron) ainsi que le prénom de la gérante actuelle.
Le Comptoir de Marie, c’est l’art des petits plats….dans des petits plats. Car c’est bien là que se situe le concept : une succession de tapas, où de bons produits sont cuisinés avec soin et précision à un prix défiant toute concurrence : 37 euros le menu de 5 tapas (servi copieusement : on pourrait presque parler de 5 services) + un dessert. On croit rêver.
C’est même du jamais vu dans un étoilé Michelin et donc probablement le meilleur rapport qualité-prix du Michelin ! Car le restaurant est étoilé depuis la sortie toute récente du guide Michelin 2016. Ce fût même la grande surprise de cette édition.
Ayant fréquenté plus de 85% des restaurants étoilés de Bruxelles et Wallonie, je pensais détenir quelques critères sur l’étoile, à savoir :
- des assiettes relativement travaillées avec des compositions inhabituelles, des jeux de textures, des ingrédients particuliers,…
- un service précis et haut de gamme (en ce compris une présence fréquente d’un sommelier)
- une carte des vins comme un bottin
- un cadre moderne ou luxueux
Le Comptoir de Marie se révèle donc être un peu un ovni dans la galaxie Michelin vis-à-vis de ces critères. C’est en effet un restaurant :
- de tapas (qui sont, par définition, des amuse-gueules d’origine espagnoles) avec, il est vrai, des ingrédients qui sortent de l’ordinaire comme le chinata (sorte de paprika), la sauce chimichurri (sorte de pesto de persil),…
- au service simple et convivial
- avec une carte des vins correcte et cohérente (sur la première page : des vins espagnols)
- une salle très petite et structurée sous forme d’un très grand comptoir auquel on s’attable, comme on en trouve beaucoup en Espagne.
Alors, le monde est comme cela, cela fait jaser. Derrière les félicitations de politesse, beaucoup de collègues/concurrents s’énervent, s’insurgent et jalousent. Au fil des discussions entendues ou tenues ici et là, j’ai décelé plusieurs axes d’analyse :
- Michelin a peut-être voulu envoyer un message aux chefs : cessez de vous compliquer la vie, cessez la course aux étoiles et retournez aux bases : une assiette simple et savoureuse à base de bons produits
- Michelin s’est peut-être trompé d’adresse et aurait confondu la table du boucher avec le comptoir de Marie (explication peu plausible au vu du texte descriptif du guide rouge encore que j’ai toujours considéré la table du boucher comme une des meilleures tables du pays)
- Michelin a peut-être voulu indiquer que des restaurants de tapas pouvaient maintenant concourir pour l’étoile, auquel cas on supposera que la référence bruxelloise du genre, à savoir le Gril aux herbes d’Evan, sera le prochain sur la liste
- Michelin a peut-être souhaité créer le « buzz » pour faire parler de lui
- Michelin a peut-être voulu rappeler qu’on ne lui dicte pas la tendance (ce qui confirmerait que ceux qui écrivent « Le restaurant X mérite l’étoile » font pire que mieux) mais que c’est lui qui dicte la tendance et que chaque année réservera son lot de surprises (l’année passée, ce fût d’ailleurs Le Monde est petit).
Rappelons quand même qu’outre l’étoile, Michelin a annoncé clairement la couleur. Son texte précise bien que le Comptoir de Marie est un restaurant espagnol de tapas au standing simple. Et une fois cette notion bien intégrée, on ne peut être déçu.
Mais laissons à Michelin le soin de se justifier (ou non) et le soin de choisir les restaurants qu’il met en avant. Place à une expérience vécue sur le terrain par votre humble bloggeur, à une analyse détaillée et des photos. Rien de tel pour se faire une idée précise.
Je me suis donc rendu au comptoir de Marie non pas pour y fêter un grand événement ou pour y passer un moment romantique (le concept du grand comptoir se prêtant mal aux conversations intimes). Non : je me suis rendu au comptoir de Marie pour y faire un bon repas, simple et savoureux, à prix d’amis et y déguster des produits de qualité. Et je pense que c’est comme cela qu’il faut voir le comptoir de Marie : un bar à tapas avec de belles compositions, un endroit convivial et amusant, un service cool et souriant. N’importe quel futur client qui oubliera « sa » vision d’un restaurant étoilé et pensera à ce petit résumé, ne pourra que passer un bon moment et sortir ravi de son expérience. Et encore plus quand il repensera à son addition.
Au fourneau, on retrouve Terence Van Heer, un spécialiste des tapas puisqu’il a passé 20 ans en Espagne. Dans sa cuisine derrière le comptoir, le chef court à gauche et à droite. Omniprésent et chaleureux, il discute avec toutes les tables, explique ses assiettes, s’amuse et amuse avec quelques plaisanteries et discute vins avec les plus passionnés.
Parmi les tapas, les quatre premières m’ont particulièrement marquées : des tapas travaillées, des produits savoureux et de qualité (le patron Luc Broutard est connu pour cela), de belles cuissons et des assaisonnements qui donnent du peps (entre autre un chinata qui dégage ses arômes et embaume la pièce). Les quantités, qu’il s’agisse des assiettes ou des verres de vin du forfait, sont elles aussi généreuses au possible.
Le ravioli de porc ibérique avec beurre salé et truffe fraîche était ce qu’on pourrait qualifié une « petite tuerie de gourmandise ».
La cinquième tapas, à savoir le ris de veau et homard, était également très bonne mais aurait pu être mieux placée à mon sens. Je pense que les tapas auraient dû être servies dans un ordre croissant de puissance gustative et donc celle-ci, plus fine et délicate, aurait peut-être dû être servie avant.
En apogée, le bœuf maturé 40 jours en provenance directe des chambres de maturation de Luc Broutard, la référence des viandes maturées ! Un magnifique produit mais cuit ici un peu différemment : snackée. C’est très bon, parfaitement saignant (le chef n’a pas demandé la cuisson souhaitée mais je peux comprendre qu’il ne souhaite pas dénaturer un si beau produit par une cuisson trop longue) et la sauce est excellente. Après tout reste une question de goût personnel et ma préférence va pour la cuisson « barbecue » au four Josper pratiquée à la Table du Boucher.
Je resterai plus mitigé sur les deux desserts, très simplistes et peu convaincants, ce qui est dommage pour clôturer un beau repas. Mais j’ai cru comprendre que le chef en était pleinement conscient et qu’il allait y travailler. Les futurs menus risquent donc bien de se terminer comme ils ont commencés : sur une note très positive.
Pour terminer, quelques petits conseils pour optimiser l’expérience :
- N’oubliez pas de réserver (le comptoir en bas, endroit le plus sympa du restaurant, ne compte qu’une quinzaine de place)
- Demandez à être placé en face de la cuisine (c’est plus sympa que d’être en face des frigos ou de la caisse enregistreuse)
- Optez pour au moins un supplément truffe
- N’oubliez pas de prendre en photo votre plat avant le supplément truffe car après, il est totalement recouvert 😉
- Attendez cinq minutes avant de manger le fromage : se réchauffant, les arômes se libèrent
En conclusion : une belle adresse qui démontre à nouveau que Luc Broutard est un personnage qui compte dans la gastronomie montoise. Et, si vous vous dépêchez, il restera peut-être encore quelques calendriers (offert gracieusement par la maison) avec, sur la page mars 2017, le patron Luc Broutard.
LIEN
MENU
Mise en bouche
La hure de boeuf, sauce chimichurri, croquant de pain, poire à la moutarde
Le thon rouge en tartare, toast de riz au safran, câpres frits, shizo
Le poulpe, chorizo, oeuf poché à base température, croûtons, sauce vin rouge, paprika chinata
Le porc ibérique en ravioli, beurre de ferme salé, joue de porc séché, truffe fraîche Mélanosporum
Le ris de veau et homard en croquette, coulis de tomates au madère, persil frit
Le boeuf Holstein maturé 40 jours snacké, salsifis au jus de boeuf, truffe fraîche Mélanosporum
Le stilton
Crème Catalane
Glace au lait et cerises à l’amaretto
PHOTOS