D’Eugénie à Emilie

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Au coin du restaurant D’Eugénie à Emilie (nom donné en hommage à la grand-mère du chef prénommée Eugénie et à sa fille Emilie), un grand signal STOP résonne comme un message subliminal : il faut s’arrêter chez cette référence Montoise étoilée (une étoile Michelin. Note post-article : le restaurant a décroché une seconde étoile au guide 2016), bien notée (17/20 au Gault & Millau) et souvent titrée (carte des vins remarquable dans le Gault & Millau 2013).

Quand un ami m’y invite avec une table de connaisseurs en vins, je n’hésite donc pas une seconde, bien content de découvrir la cuisine du chef Eric Fernez. Ce dernier est présent en salle pour nous accueillir et, belle surprise, une magnifique grande table de dix personnes a été dressée pour l’occasion : spacieuse, confortable, un éclairage magnifique (il suffit de voir les photos), des couverts de qualité et de belles nappes blanches bien épaisses. Un cadre luxueux au top donc !

En salle, Eric Fernez s’est entouré de beaucoup de personnel pour assurer un service de qualité. Et le service s’avère assez bon avec notamment des annonces de plats très précises et déclamées avec soins (un bon rythme d’expression, une voie posée et des mots prononcés intelligiblement). Il reste certes ici et là des points d’amélioration. Je pense en particulier au fait d’essayer de retenir les exceptions (comme la personne qui ne souhaitait pas l’huître) et le type d’eau de chaque convive (je pense que j’ai répondu au moins dix fois à la question « Eau plate ou pétillante ? »).

Avant même de démarrer le repas, le chef prend les choses en main. Il nous explique de vive voix le menu sur mesure qu’il a préparé pour la soirée. Chose rare, il pousse la précision jusqu’à expliquer quels vins (au pluriel évidemment) seront associés à chaque plat. A cause de quelques soucis de santé, il explique ensuite qu’il lancera le service mais s’excuse par avance de ne pouvoir rester toute la soirée. Une belle forme de politesse et un vrai respect du client.

Au point de vue des plats, ils sont travaillés, que ce soit sur les ingrédients constitutifs ou sur le visuel. Le chef aime les arômes bien marqués et puissants. Mes goûts, en gastronomie comme en vin, se portent plutôt vers des plats plus tranchants et plus marqués par la fraîcheur et l’acidité. J’aurais donc aimé plus de végétal dans le plat « retour de cueillette » au lieu des arômes assez prenants de parmesan. Sur le plat suivant, le chou me semblait trop en avant par rapport à l’huître : le combat était inégal. J’aime aussi les cuissons moins poussées sur les poissons et crustacés et en particulier sur la langoustine.

Mais, j’ai complètement été scotché par un plat grandiose : le pigeonneau en fine brioche. C’est un plat hyper technique et compliqué à réaliser. Une si belle croûte (si fine) et une cuisson rosée tellement remarquable, c’est à tomber de sa chaise. On aurait pu me servir n’importe quoi avant, ce plat est tellement grand qu’il aurait effacé d’un revers de la main, tout le négatif qui aurait pu précéder ce plat. Il ne manquait qu’un peu de truffe (mais je reconnais que ce n’est pas le moment optimum pour elle) pour en faire un plat PARFAIT.

Un grand plat, un coup de cœur, un plat qu’on garde en mémoire des années c’est plutôt rare ! Et ce qui est encore plus rare, c’est un grand plat avec deux grands vins comme ici : un duel Hermitage Chave 2001 avec une Côte Rôtie Jamet 2001. Cette région était une des régions de prédilection de la table mais le chef s’est montré de bons conseils pour affiner la sélection parmi les meilleurs vignerons de la région et les nombreux millésimes de sa carte. Je l’entends encore nous dire : « Sur 2001, grand millésime dans le Rhône Nord, vous aurez des vins à boire. Jamet se montrera plus enchanteur, un rien plus « pute » au démarrage mais vous verrez que le Chave s’ouvrira et se montrera plus ample, plus élégant et plus racé ». De fait, Chave l’emporte au final haut la main devant un excellent Jamet : élégance, longueur en bouche, équilibre et finesse. Tout ce qui définit un tout grand vin.

Voici un chef qui connait les vins de sa cave et pas uniquement le prix d’achat et le prix de vente. Il maîtrise les régions, les cépages, les associations avec les plats et surtout il sait précisément où le vin se situe dans sa courbe d’évolution pour ensuite les conseiller très judicieusement. Certes un bon sommelier ferait la même chose (et il y en a un qui est prometteur au côté du chef) mais l’avantage, c’est que le chef est tellement passionné de vin qu’il investit donc un budget conséquent dans la construction de sa carte. A l’heure actuelle bien trop peu de restaurants investissent dans la création d’une vraie carte des vins, se contentant souvent de quelques noms prestigieux dans des millésimes récents (et souvent achetées par trois bouteilles chez le revendeur). Les raisons sont souvent financières et compréhensibles mais les conséquences pour l’amateur de vin n’en demeurent pas moins désagréables.

Pour terminer le repas, quelques fromages. Il n’en restait plus beaucoup car l’excellent maître affineur Jacky Cange devait livrer le lendemain mais ce qu’on nous a servi démontrait à nouveau l’excellence de l’affinage de cet artisan.


LIEN

https://fernez.com/deugenie-a-emilie/


LOCALISATION


MENU

Mise en bouche

Mise en bouche : Homard, crème légère au raifort, crumble de parmesan et crevettes grises

Mise en bouche : Croquette de ris de veau et jus au vin jaune

Retour de cueillette : Tarte fin de Comté, petits pois en crème, mesclun, girolles et sherry dry.

Carrelet, marinière de moules bouchots du Mont Saint-Michel, compotée de tomates anciennes.

Langoustine rôtie, huitre Gillardeau pochée, taboulé de chou-fleur, beurre blanc et concassée d’huitres

Risotto, cèpes poêlés, tuile parmesan

 

Un classique de la maison : pigeonneau en fine brioche. Le pigeonneau est complètement désossé et farci de foie gras puis enrobé de choux et d’une pâte feuilletée maison. La cuisson est rosée.

Les cuisses, braisées, sont servies à part sur une mousseline de pommes de terre.

Assiette de fromages : Epoisse de Bourgogne, Tome de brebis, Saint-Nectaire, Comté jeune de 12 mois d’affinage, Fourme d’Ambert


PHOTOS

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