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Jack O’Shea

Jack O’Shea est peut-être bien le boucher le plus réputé de la capitale. La légende raconte qu’il a tué sa première vache à 9 ans en Irlande. A lire ce qui s’écrit sur internet, il serait rapidement devenu une des stars de la viande en Europe, travaillant avec de grands chefs comme Blumenthal, et serait aujourd’hui à la tête de boutiques à Bruxelles, Londres et bientôt Luxembourg.

Avant même son ouverture, la presse se délectait déjà de quelques articles prometteurs donc voici un petit florilège :

Et puis, depuis quelques mois, le fameux ChopHouse a enfin ouvert ses portes à la place Sainte-Catherine. L’endroit est original car c’est le quartier des restaurants de produits de la mer. Mais vive la diversité.

L’ouverture fût évidemment assez médiatisée et une campagne bien orchestrée a fait défiler la presse et les bloggeurs influents. On a vu alors pulluler sur internet des photos de Jack O’Shea avec une main tenant une entrecôte et l’autre posée dans le dos du journaliste. Ajouté à cela de magnifiques photos (et, avec l’éclairage tel qu’il est, il aura fallu une fameuse installation pour en faire de si lumineuses) et des textes élogieux voilà donc une entrée en matière réussie et qui donne envie de pousser les portes pour tenter l’expérience.

Bien que plaisant, ce repas n’inspire pourtant pas vraiment une explosion de superlatifs.

Si on analyse la carte (qui soit dit en passant tient sur une seule page), force est de constater que l’approche « nose to tail » n’est pas appliquée au restaurant. Mis à part la moelle, on ne trouve guère que les beaux morceaux de viande. Exit donc le concept de “fifth quarter” et les intestins de veau croustillants.

Pour ce qui est du filet américain préparé à table, cela restera un vœu pieux puisque sa réalisation se fait loin des yeux des clients.

Et pour les sauces, on ne peut présumer de rien mais point de vue goût, difficile de distinguer la sauce barbecue mentionnée comme maison d’une sauce industrielle.

Bref les effets d’annonce n’ont même pas tenu quelques mois (à supposer qu’ils aient même existés autre part que dans l’imaginaire collectif).

Si on pousse l’analyse plus loin, il y a de quoi rester encore plus sur sa faim. Pourquoi donc Jack O’Shea ne propose-t-il pas plusieurs sortes de viandes plus rares comme le Wagyu et plusieurs durées de maturation ? Et surtout, pourquoi ce manque total d’explications sur l’âge de la bête ou sur la durée de maturation des viandes ? Le service n’explique rien et on ne peut pas compter sur la carte laconique rédigée en Anglais pour en apprendre plus.

Sur le fond maintenant, les viandes sont remarquables, vraiment remarquables : c’est savoureux, goûteux, fondant, parfaitement cuit et superbement assaisonné. Bravo ! Les « sides » (accompagnement payant – 3 euros le plat) sont corrects. Mais, en pleine capitale belge, on déplorera quand même l’absence de frites et l’absence d’une bonne sauce genre béarnaise, mayonnaise ou choron.

Mis à part la viande d’une qualité remarquable, le concept « ChopHouse de Jack O’Shea » me semble fort bling-bling. L’image qui me vient à l’esprit, c’est l’image d’un show à l’américaine où tout est dans le paraître. Cela se traduit jusque dans le couteau à viande qui semble être un beau couteau mais dont la légèreté en main surprend et fait réaliser qu’il s’agit d’un couteau bon marché en toc.

Ce restaurant est bien loin de l’idée qu’on se fait du chef-boucher-artisan qui achète ses viandes, les mature, les cuisine et les sert avec amour dans son restaurant. On est plus sur l’impression que ce restaurant est le début d’une série, le premier restaurant d’une chaîne internationale qui fera sa réputation avec un marketing bien huilé. Presque un concept copiable-collable aseptisé qu’on pourra décliner dans tout les pays, sans aucune typicité locale et sans jamais y retrouver ni les marqueurs de l’artisanat ni la passion de la cuisine. D’ailleurs Jack O’Shea brilla pas son absence dans le restaurant, sans doute occupé à d’autres projets à intégrer à son début de galaxie.

Je ne peux me retenir de faire la comparaison avec le temple de la viande et ma référence en la matière : la table du boucher de Luc Broutard. Quand on commence à comparer les assiettes de Jack O’Shea avec celles de la table du boucher de Luc Broutard, Jack O’Shea s’effondre comme un château de cartes. Même si on limite la comparaison à la viande uniquement, la viande de Luc Broutard gagne haut la main avec ces viandes maturées à souhait et ces races sélectionnées avec soin. Et si on compare le reste, c’est pire encore. La carte des vins de Jack O’Shea tient sur une page, sans référence très intéressantes et plutôt chères. Le traitement du vin est un des pires que j’aie vu avec les bouteilles de rouge sur des étagères à la lumière et à la chaleur et aucune possiblité d’avoir une bouteille plus fraîche de la cave. En ce qui concerne les desserts, je me demande si Jack O’Shea en propose. Aucune mention sur la carte et je n’en ai pas vu aux autres tables. Mais il faut dire qu’on a plus très faim non plus après avoir mangé à la carte. Enfin Jack O’Shea ne propose pas de menu. L’entrecôte avec pomme de terre et tomates vous coutera donc 40 euros. A titre de comparaison, on a un menu à 55 euros à la table du boucher avec une belle viande maturée et des frites en plat principal.

Bravo à Jack O’Shea pour ses viandes et félicitations pour l’excellente communication / campagne marketing. Mais je reste sur ma faim (au sens figuré) et je préfèrerai toujours la passion, la gentillesse et la qualité des viandes de la table du boucher où Luc Broutard, un artisan passionné, vous fera découvrir ce qu’est une belle viande maturée avec des frites ! Dans le match Jack O’Shea – Table du boucher, je déclare Luc Broutard vainqueur par KO au premier round ! Mais cela ne m’empêchera pas de retourner à l’occasion chez Jack O’Shea pour une bonne entrecôte et une bonne bière.


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