REMARQUE : Publication datant du 27/09/2013 quand Alexandre Dionisio était encore aux fourneaux.
Alexandre Dionisio ou plutôt Alexandre et Anca devrais-je écrire. Depuis peu, Anca est venue renforcer l’équipe du restaurant et sa prestation en maîtresse de maison fait monter le restaurant d’un niveau. Elle rayonne dans son restaurant, est contente de vous accueillir chez elle et surtout, elle vous le fait sentir tout au long de la soirée. Maniant humour, gentillesse, professionnalisme et attention, c’est une hôte qui se pliera en quatre pour vous faire passer une belle soirée.
En cuisine, Alexandre dirige son équipe d’une main de fer. Un chef exigeant et intransigeant mais la grande cuisine est à ce prix : on ne peut laisser passer la moindre approximation et il faut veiller aux moindres détails. Sa cuisine est tout bonnement bluffante. C’est mon deuxième meilleur repas de l’année, un repas d’un niveau exceptionnel. Les assiettes sont magnifiques (c’est un roi incontestable du dressage), complexes, travaillées sur les textures, précises sur les cuissons et les assaisonnements et puissantes. Certaines assiettes étaient pour moi tout bonnement parfaites, provoquant presque une petite larme de bonheur (un bonheur teinté de la déception car on a « déjà » fini).
J’ai toujours aimé la cuisine d’Alexandre, un chef que j’avais mis dans mes chouchous bruxellois et dont j’ai toujours dit le plus grand bien depuis son ouverture. Et bien je l’aime encore plus depuis ce repas. Alexandre a passé un nouveau cap et propose une cuisine où on sent des inspirations communes avec celles de Sergio Herman (Oud Sluis) et de grands chefs espagnols. Bien sûr la cuisine est une question de goûts et tous les goûts sont dans la nature mais en ce qui me concerne, c’est la cuisine que j’aime, celle qui est parfaite pour mes papilles, celle où il n’y a plus rien à faire pour s’améliorer.
Souvent dans les restaurants (même les tout grands), il y a des hauts et des bas. Certains plats peuvent être grandioses mais d’autres plus moyens. Ce soir, c’était juste le sommet du début à la fin : des mignardises jusqu’au dessert (une pâtissière ayant travaillé chez Anne-Sophie Pic vient de rejoindre l’équipe). Au top des cuissons, au top des assaisonnements (je n’ai jamais du retoucher aucune assiette), au top des associations et surtout au top des émotions !
Pour les vins, une carte intéressante avec de très belles (et très chères) références françaises, quelques références étrangères. Depuis mon dernier passage, je note qu’elle se diversifie un peu dans les vins bios/natures (sans doute la touche du sommelier qui a travaillé auparavant aux Flâneries Gourmandes).
En salle, le service est précis, poli, attentionné et stylé.
Je ne dirais pas un repas au top : je dirais une expérience au sommet. En repartant, la table de sept personnes étaient totalement conquise et heureuse d’y avoir passé une si belle soirée.. En tout cas merci à Alexandre, Anca et toute l’équipe pour cette belle expérience !
MENU
Mise en bouches :
- Gelée de cacahuètes grillées
- Sphère d’huile d’olive
- Roulade de Bellota, salade d’iceberg citronnée. Touche amusante, le Bellota a été travaillé et est croquant (comme une feuille de brique)
- Petit pain noir à l’encre de seiche et crème d’herbes
- Galet crème de coco et épices thaïlandaises (le galet ne se mange pas)
- Brioche cuite à la vapeur et mayonnaise à la truffe
Entrée: Homard Breton, 100% tomates. Un soupçon résiduel d’estivalité avec une magnifique entrée, tout en fraîcheur mais puissante en goût : une belle sélection de plusieurs variétés savoureuses de tomates, de l’eau de tomate retravaillée et concentrée en espuma et un morceau homard délicatement cuit)
Pour une entrée aussi fraîche, rien de tel qu’un Sauvignon. Non rien de tel que deux Sauvignons : un Sancerre pour son travail classique du Sauvignon et puis un vin nature de Touraine, conseillé par la maison et qui faisait son effet (très légère oxydation mais une belle attaque et une bouche très tranchante).
Entrée : Crevettes grises de nos côtes, Belles de Fontenay fumées, crème aigre et œufs de hareng, poudre de crevettes, gelée de crevettes, œuf ozen. L’oeuf ozen est un œuf cuit à basse température (64°C) pour obtenir un blanc d’œuf tremblotant et un jaune coulant qui coule quand on le perce. Le résultat obtenu correspond parfaitement à cette définition et le jaune qui se mélange dans l’assiette, c’est toujours un plaisir exquis. Les crevettes ont été travaillées en multiples façon : poudre, gelée et crevettes cuites. Il y a donc le produit noble travaillé classiquement mais également retravaillé et restructuré. J’ai beaucoup aimé ce travail qui respecte le goût du produit mais surtout qui le concentre et puis le propose en gelée et en poudre.
Entrée : Pluma Ibérique, aubergine marinée, sauce miso, pak choï, pâte de citron, tempura de salicornes, tapioca au gingembre, pickels d’oignon, feuille d’huitres, sauce réduction de soja. Un plat aux inspirations asiatiques avec des textures et de la puissance aromatique (notamment avec la pâte de citron très puissante). Une toute belle composition et des beaux mariages de saveurs.
Petits pois liquides, lard confit 24h, sphère de maïs, solettes meunières, écume de noisette. Un duo terre-mer très classique : lard et petit pois, ça fonctionne toujours. Mais à nouveau il y a du travail et de la recherche : un travail de texture (via la sphère de maïs) et un travail de recherche pour intégrer des arômes de noisette et enfin un travail précis qui va jusqu’à dorer les noisettes. Mais surtout on n’oublie pas le plaisir avec une merveille de lard confit (du porc cuit longuement à basse température, c’est quand même divin) et des solettes meunières parfaitement cuites.
Saint-Pierre rôti au beurre salé, crème de piments doux, coques, moules, bigorneaux, carpaccio de poulpes, fenouil râpé minute, écume de crustacés. Le visuel est tout bonnement impressionnant avec notamment ce dressage du carpaccio de poulpes et cette pâte farcie d’une petite merveille. Les piments sont piquants à la base mais ont été travaillé ici dans une très longue cuisson (une vingtaine d’heures) pour atténuer le piquant et obtenir de la douceur. Ce plat, c’est un peu transcendantal, martien, presque divin. Ce n’est plus un plat, c’est une émotion. C’est la note maximale, le 100/100, le genre de plat qu’on ne rencontre qu’exceptionnellement.
En en plus c’est le plat sur lequel le sommelier est venu me faire un tout grand accord. Je partais sur un vin blanc mais Anca et le sommelier me poussent vers un vin rouge. Je leur fait confiance en me disant qu’ils vont venir avec un cabernet Franc de Loire. Mais non, on m’apporte un vin Bulgare. Au nez, je prends peur car je sens les arômes boisés. Mais en bouche, c’est frais et sans tanins (en fait c’est le cépage Mavrud qui donne l’arôme boisé au nez mais le vin n’a jamais vu le bois puisqu’il a été élevé en cuve Inox) et c’est juste merveilleux avec la sauce au piment doux qui est le fil conducteur du plat.
Filet pur de Black Angus, girolles poêlées, pommes de terre de Noirmoitier, crémeux de carottes des sables dans un oignons brûlés, textures de parmesan, gel d’airelles, jus de viande Une magnifique cuisson d’une toute belle viande: bien grillée sur l’extérieur et bien saignante ensuite. Le sang ne coule pas (ce qui laisse supposer une belle viande qui, si elle n’est pas maturée, a eu le temps de reposer). D’ailleurs il y avait deux personnes à table qui n’aiment pas le bœuf saignant mais qui ont adoré. Alexandre devait savoir ce qu’il envoyait car il n’a pas demandé quelle cuisson souhaitait le client. Et il a avait raison : avec une telle cuisson, il ne faut pas donner le choix au client et il faut qu’il goûte (quitte à recuire ensuite s’il n’aime pas). La sauce est goûteuse et servie à table. Ce cérémonial du service de la sauce en salle est toujours un plaisir pour les yeux et j’apprécie toujours de le voir. A nouveau beaucoup de travail dans les textures mais un travail qui respecte le goût des produits, un travail qui les transcende même. Un tout beau plat !
Salade croquante, vinaigrette tomatée, ciboulettes, tartare de Filet pur de Blanck Angus. Un seconde déclinaison de Black Angus, servie dans un petit bol en même temps que le filet pur. J’adore quand les chefs travaillent un beau produit en plusieurs variantes.
Daiquiri revisité. Dans sa coque de citron (qui n’est pas à manger), on retrouve le granité de rhum, brunoise de concombre, gel de menthe, espuma de citron, coulis de fraises et zestes de citron vert. Un petit effet d’artifice avec l’azote liquide qui fume. Ca n’a aucun intérêt gustatif mais ça fait toujours son effet visuel. L’idée est d’aller chercher un peu de tous les éléments en une fois afin qu’ils se combinent. Beaucoup de fraîcheur pour ce pré-dessert très vif et très bien exécuté.
Crémeux passion, meringue de framboise, glace banane, espuma à la noisette, sponge-cake aux amandes, framboises givrées, framboise, cubes de mangue. On termine comme on a commencé avec du travail, des textures, de la précision et des goûts. C’est beau, bon et le sucre est bien dosé. Superbe dessert.
Mignardises :
- Sucette de coulis de fruits rouges et chocolat (à manger en une fois donc)
- Marshmallow à la famille
- Tuile à l’orange et mayonnaise à l’orange
- Airbag pralin et noisettes
PHOTOS
LIEN
http://www.restaurant-alexandre.be/